Cette semaine Dominique Tardif rencontre François Lavallée, premier vice-président Affaires Juridiques à Montréal de la Financière Banque Nationale.
François Lavallée pratique au sein de la Financière Banque Nationale, société de courtage en valeurs mobilières de plein exercice du Groupe Financier Banque Nationale.
Pourquoi avez-vous, à l’origine, décidé d’être avocat plutôt que de choisir un autre métier/profession?
La réalité est qu’à la fin du collégial, comme bien d’autres à cet âge, je ne savais pas encore trop ce que je voulais faire. De Brébeuf, où j’étudiais, sortaient beaucoup de futurs avocats, médecins et ingénieurs.
Mon père aurait bien voulu que je sois médecin – et vous pensez bien que je ne voulais donc pas le devenir!, dit-il dans un rire. J’adorais la photographie, mais je savais qu’il me serait difficile de gagner ma vie ainsi. J’ai donc littéralement tiré à pile ou face avec une pièce de vingt-cinq sous, pensant au génie, à la médecine ou au droit. Le droit a gagné, et le hasard a finalement bien fait les choses!
Quel est le plus grand défi professionnel auquel vous avez fait face au cours de votre carrière?
La crise du papier commercial et la crise financière étaient des enjeux qui pouvaient de façon claire avoir des impacts importants sur l’avenir de la Banque et du courtier. La restructuration du marché du PCAA, pilotée d’abord et avant tout par Brian Davis (Vice-président exécutif, Développement corporatif et régie d’entreprise), se devait de réussir pour éviter que ce marché de 32 milliards de dollars ne disparaisse. Quant à moi, je me suis occupé du volet litige et surtout de l’aspect réglementaire. Les enjeux réputationnels et commerciaux étaient énormes et les chiffres avec lesquels nous avons commencé les négociations, incroyablement élevés.
Si vous pouviez changer quelque chose à la pratique du droit, de quoi s’agirait-il (autre que la réduction des frais juridiques externes)?
Je mentionnerais, en réponse à la question, l’utilisation des technologies de l’information quant au volet organisationnel des choses. Je crois que peu d’entreprises et de firmes ont véritablement une solution technologique appropriée pour améliorer et maximiser leur productivité. À titre d’exemple, demandez-vous combien de cabinets d’avocats travaillent avec des logiciels de reconnaissance vocale actuellement? La réponse : aucun. Pourtant, nous paierions beaucoup moins cher que nous le faisons actuellement pour les services si c’était le cas, et les cabinets pourraient réduire de façon importante le recours aux services du personnel de soutien. Il y aurait des gains d’efficacité incroyable, tout simplement. La même chose vaut pour l’imagerie numérique, les méthodes de communication, etc. Les bénéfices à retirer de l’utilisation de la technologie ne sont pas encore bien saisis, à mon avis, et bien que cela commence. Les choses changeront quand cela sera mieux assimilé.
Quant au volet plus philosophique et presque structurel des choses, je dirais que l’appétit qu’ont les avocats et associés à gagner des revenus que l’on peut dans certains cas qualifier d’astronomiques provoque parfois des dérapages. Je crois que si les avocats de pratique privée étaient moins « gourmands », la pratique survivrait mieux et qu’il serait plus facile de justifier leurs services. C’est un aspect des choses qui, je crois, fera tranquillement changer la structure des bureaux d’avocats.
La perception du public envers la profession et les avocats en général est-elle plus positive, égale ou moins positive qu’elle ne l’était lors de vos débuts en pratique? Et pourquoi, à votre avis?
Le grand public n’a que peu de connaissances quant à ce que sont les différents secteurs du droit. Le seul point de vue qu’ils en ont est, très souvent, limité au droit criminel et, à l’occasion, au litige. Comme ce sont des processus éminemment négatifs en eux-mêmes, le public n’en a pas une bonne perception. Conséquemment, je dirais que les choses ont peu changé sur ce point au fil des ans, et qu’il est difficile de les faire évoluer compte tenu de cette réalité.
Quel conseil donneriez-vous à quelqu’un débutant sa carrière, et qui a l’ambition de devenir en charge d’une équipe des affaires juridiques?
Ces trois mots : travail, rigueur et persévérance – même s’ils ne sont pas nécessairement populaires! Et, à travers cela, il faut avoir de l’intérêt et de la passion, ainsi que du plaisir à travailler.
Il est aussi important de ne pas se contenter de réponses superficielles et de chercher les réponses en profondeur. Quelqu’un qui commence sa carrière a du temps pour apprendre et pousser plus loin, et il faut bien exploiter cette possibilité, de façon à posséder la matière et l’environnement qui sont à la base de la profession.
Par ailleurs, beaucoup de jeunes arrivent avec une approche plutôt stricte sur le plan juridique. Pourtant, et surtout en entreprise, il est très important de comprendre les enjeux d’affaires. Il ne faut donc pas seulement être celui qui dit qu’on ne peut pas faire ceci ou cela pour telle ou telle raison, mais être aussi celui qui apporte des solutions. Cette capacité à présenter des alternatives peut se développer avec le temps.
En vrac…
Dernier bon livre qu’il a lu : « The Return of Depression Economics » Auteur : Paul Krugman
Dernier bon film qu’il a vu : « Le Cygne Noir » Réalisateur : Darren Aronofsky
Les restaurants qu’il affectionne: Toqué (Place Jean-Paul-Riopelle), Laurie Raphaël (rue Dalhousie à Québec) et Daniel (60 E 65th St à New York).
Un pays où il retournerait : La Tunisie.
S’il n’était pas avocat, il opterait… possiblement pour une profession du domaine de la santé, en raison du volet relation d’aide qui l’interpelle.
Bio
François Lavallée est avocat au Barreau du Québec depuis 1988. Avant de se joindre à la Financière Banque Nationale, il a exercé en pratique privée au sein de deux cabinets d’importance dans les domaines du litige et de l’assurance.
Depuis 2003, chez Financière Banque Nationale, Me Lavallée dirige le service des Affaires juridiques à titre de Premier vice-président, avec pour mandat de conseiller la direction et les lignes d’affaires sur toute question juridique, réglementaire et réputationnelle relative aux activités de la Gestion de Patrimoine et des Marchés Financiers.
Me Lavallée, depuis plusieurs années, s’implique aussi socialement au sein d’organisations œuvrant dans les domaines de la santé et de l’éducation.