Cette semaine, Me Dominique Tardif, de ZSA, s’entretient avec Me Anthony Wilson, Chef des affaires juridiques, Amériques, pour MorroCanoil…
1. Pourquoi avez-vous, à l’origine, décidé d’être avocat plutôt que de choisir un autre métier/profession?
Le droit est venu de la combinaison de plusieurs facteurs. Je terminais un premier baccalauréat sans encore avoir une idée très claire de ce que je voulais faire, sachant toutefois que je recherchais un emploi plus prometteur que les possibilités qu’allaient m’offrir mes études en histoire.
Le droit est, dans ce contexte, venu naturellement : il s’agissait d’une profession libérale, bien respectée et qui apportait de la stabilité en même temps que beaucoup de défis. Le droit faisait aussi appel à mes forces : c’était la profession de la langue, de l’argumentaire et de la discipline verbale.
Lorsque j’ai été accepté à l’Université de Toronto, j’ai tout simplement considéré que je ne pouvais décliner, d’autant plus que je savais qu’il était difficile d’y être admis. Et…me voilà aujourd’hui!
2. Quel est le plus grand défi professionnel auquel vous avez fait face au cours de votre carrière?
Mon plus grand défi fut de faire le saut du bureau de Calgary de McCarthy à celui d’Osler à Montréal. J’étais un avocat salarié de 6 ans de pratique, et arrivais dans une ville dans laquelle je n’avais pas eu le bénéfice de forger et développer des relations locales avec la clientèle. Le contexte n’était donc pas facile pour quelqu’un devant se comparer à d’autres aux portes de l’accession à la société, d’autant plus que le marché n’était pas effervescent à l’époque.
Si j’avais un conseil à donner, ce serait probablement celui de s’installer dès le début de sa carrière à un endroit, plutôt que de se relocaliser plus tard! Changer de ville après quelques années de pratique ajoute une pression additionnelle au défi déjà existant que représente le fait de développer une clientèle stable…parce que les bonnes relations d’affaires sont, il est vrai, basées sur la compétence, mais aussi sur les affinités et les amitiés qui se développent au fil du temps.
3. Si vous aviez une baguette magique, que changeriez-vous à la pratique du droit?
Je serais tenté de répondre que je mettrais un terme aux heures facturables… mais ce serait cliché! Je dirai donc plutôt que, si j’avais une baguette magique, j’abolirais le traitement de texte électronique et le courriel. Pourquoi? Parce qu’en l’absence de beaucoup d’autres facteurs permettant de différencier les avocats entre eux, ceux-ci sont de plus en plus portés à tenter de se démarquer par leur bon ‘service à la clientèle’ et leur responsiveness, des termes qui, dans les faits, ne représentent souvent malheureusement rien de plus qu’un court délai de réponse.
Dans le monde interconnecté dans lequel nous vivons, nous nous attendons à des réponses quelques secondes après avoir posé la question, à défaut de quoi plusieurs concluent être victimes d’un mauvais service à la clientèle. Cette réalité met l’industrie des services professionnels, dont les avocats, dans une situation de disponibilité 24/7, d’une façon bien différente de celle qui existait quand les communications faisaient en sorte que les questions trouvaient réponses en l’espace de quelques jours. Non seulement la nouvelle réalité a engendré un rythme de vie bien différent pour les avocats, mais elle a fait échec à une approche plus contemplative de la pratique du droit et laissant place à la réflexion.
L’avènement du traitement de texte électronique, quant à lui, met à mon avis indûment l’accent sur l’absence d’erreurs de syntaxe, et tend à se justifier par le fait que si un client constate une erreur, il se demandera à quoi d’autre les avocats au dossier n’ont pas porté attention. Je trouve l’approche bien réductrice du travail de l’avocat qui devient, en quelque sorte, un correcteur glorifié plutôt qu’un professionnel dont le travail apporte de la valeur ajoutée et dont l’attention est centrée sur la substance du document lui-même, comme c’était davantage le cas avant l’ère des outils informatiques.
Évidemment, la réponse est fantaisiste et ne vaut que dans la mesure où l’on parle d’une baguette magique, puisqu’enrayer les courriels impliquerait en même temps d’ignorer les bénéfices significatifs de la technologie.
4. La perception du public envers la profession et les avocats en général est-elle plus positive, égale ou moins positive qu’avant? Qu’elle ne l’était lors de vos débuts en pratique? Et pourquoi, à votre avis?
Je ne saurais dire si la situation est pire qu’avant, mais la perception est selon moi plutôt négative. J’ai, malheureusement, toujours eu l’impression que le public avait le sentiment que les avocats étaient des ‘value suckers’. Ayant maintenant géré un nombre important de dossiers de litige, dont la plupart aux États-Unis, et ayant vu la diminution significative de valeur qui est causée par l’étendue des processus de discovery, je suis moi-même sous le choc!
Évidemment, plus quelqu’un a vécu de litiges, pire est la perception…et pour de bonnes raisons. Nous pourrions, à mon sens, mettre en place un système qui produirait les mêmes résultats 9 fois sur 10 et coûterait beaucoup moins que ce qu’il en est actuellement aux États-Unis (et à un moindre degré, au Canada). Malheureusement, je constate que, souvent, l’homme d’affaires moyen voit le système judiciaire comme en étant un qui est fait pour ‘nourrir’ les avocats…
5. Quel conseil donneriez-vous à quelqu’un débutant sa carrière et voulant avoir du succès en droit?
Faites attention aux détails. Que vous jugiez le travail intéressant ou non n’est pas la question : il faut faire attention aux détails, parce que vous serez jugé sur cette base.
Et soyez aimables! Comme dans toute industrie, cette profession est basée sur des relations humaines. Quand les gens t’apprécient, ton travail est perçu comme très bon, voire exceptionnel. Et l’inverse est aussi vrai : à défaut d’être apprécié, ton travail exceptionnel sera perçu comme bon, ton travail de qualité sera perçu comme correct, et ton travail correct, lui, sera jugé insuffisant.
• Dernier bon livre qu’il a lu: A Disgrace to the Profession (auteur: Mark Steyn)
• Dernier bon film qu’il a vu – Star Wars : le réveil de la force (réalisateur : J.J Abrams)
• Sa chanson fétiche – Don’t Cry (Auteur : Guns N’Roses).
• Un diction qu’il affectionne – Le ressentiment vous tuera bien avant que l’autre personne ne soit morte. (‘Resentment will kill you long before the other person is dead’).
• Son péché mignon – Les bonbons !
• Son restaurant préféré – Smith And Wollensky (3ième avenue, New York).
• Il aimerait faire… Un safari en Afrique !
• Le personnage historique qu’il admire le plus : Isaac Newton.
• S’il n’était pas avocat, il serait… architecte!
Me Anthony Wilson est Chef des affaires juridiques, Amériques, pour MORROCANOIL. Avant de se joindre à MORROCANOIL en 2013, Me Wilson a pratiqué plus de dix ans au sein d’importants cabinets canadiens et américains, sa pratique étant principalement concentrée en marchés des capitaux et en fusions & acquisitions. A titre de Chef des affaires juridiques de MORROCANOIL, Me Wilson est responsable de tous les aspects juridiques de la compagnie pour l’hémisphère occidental, supervisant les conseillers juridiques internes et externes dans 55 pays à travers l’Amérique centrale, du Nord et du Sud. Me Wilson est responsable de la gestion et de la protection du portefeuille de propriété intellectuelle de MORROCANOIL, menant une équipe composée d’employés et de conseillers juridique externes qui assurent la vigie, à l’échelle mondiale, des marques de commerce de la compagnie ainsi que la préservation et le maintien de l’intégrité de la marque. Membre clé de l’équipe de direction de MORROCANOIL, Me Wilson fournit des conseils stratégiques à l’ensemble des départements internes, qu’il s’agisse d’intervenir sur des litiges, de structurer des acquisitions corporatives ou immobilières, de fournir des conseils en matière de gouvernance corporative et de droit de l’emploi ou encore de superviser les questions commerciales/corporatives relatives à la production, la commercialisation et la vente de produits MOROCCANOIL. Me Wilson est titulaire d’un baccalauréat ès arts (avec distinction) en histoire de l’Université McGill, d’un Juris Doctor de la faculté de droit de l’Université de Toronto, ainsi que d’une maîtrise en administration des affaires de l’Université McGill. Il est membre des barreaux du Québec et du Massachusetts (États-Unis).