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Sauter sans parachute

13 août, 2017

Cette semaine, Me Dominique Tardif, de ZSA, s’entretient avec Me Isabelle Marcoux, présidente du conseil de Transcontinental inc. depuis février 2012…

1. Pourquoi avez-vous, à l’origine, décidé d’être avocate plutôt que de choisir un autre métier ou une autre profession?

Ayant commencé mes études par un baccalauréat en économie avec mineure en sciences politiques à McGill, j’ai eu l’occasion de travailler deux étés à la Caisse de dépôt et placement du Québec où j’ai vécu une expérience très enrichissante. J’en suis toutefois venue à la conclusion que je ne voulais pas devenir économiste!
Je suis ensuite entrée en droit, par passion et par intérêt pour le secteur. Il s’agissait pour moi d’une façon de me rapprocher du milieu des affaires, un domaine qui m’intéressait déjà beaucoup. Je savais que le droit était une formation qui « aide à penser » et à prendre des décisions tout en évaluant les risques. J’aimais par ailleurs lire, analyser et étudier. Ce furent, pour moi, trois belles années.
Embauchée chez McCarthy Tétrault, j’y ai fait mes débuts. J’ai d’ailleurs adoré être avocate : nous travaillions certainement très fort, et presque sept jours par semaine compte tenu d’un volume très élevé de transactions, mais c’était passionnant! Hubert Lacroix, aujourd’hui PDG de Radio-Canada, fut mon premier mentor – et un mentor extraordinaire.
J’avais évidemment un intérêt à joindre l’entreprise familiale à terme, et cela a coïncidé avec la naissance de ma fille. J’ai joint TC Transcontinental peu après, en pensant que je travaillerais un peu moins fort, ce qui n’a vraiment pas été le cas!, dit-elle dans un rire. Mon expérience en cabinet m’a certainement bien préparée aux rôles que j’ai assumés ensuite, avant de devenir présidente du conseil en 2012.
2. Quel est le plus grand défi professionnel auquel vous avez fait face au cours de votre carrière?
Mon plus grand défi professionnel, je le vis actuellement. TC Transcontinental a jusqu’ici évolué dans les métiers plus traditionnels des médias écrits et de l’imprimerie, des domaines pour lesquels nous tirons toujours très bien notre épingle du jeu. Cela dit, nous devons aussi nous transformer et le défi est de le faire de façon intelligente et stratégique.
Il y a trois ans, la décision a été prise d’investir nos profits dans l’emballage souple, un secteur près du nôtre mais tout de même différent de celui de l’imprimerie. Nous imprimons donc désormais sur du plastique pour des produits variés et il s’agit d’un secteur en croissance. D’ailleurs, depuis 2014, trois acquisitions générant 200 millions de dollars américains en revenus annuels ont été complétées. L’objectif est de non seulement poursuivre notre croissance interne, mais aussi de le faire par voie d’acquisitions.
Sur le plan plus personnel, mon plus grand défi est de savoir mener une carrière exigeante tout en étant aussi épouse et mère de famille, sans oublier le volet philanthropique, qui a toujours été très présent dans ma vie. C’est certainement un défi de tout faire en même temps! Chez TC Transcontinental, je me suis donné comme mission d’aider les femmes de notre entreprise à gérer leur famille, leur travail et leur engagement communautaire. Un de nos programmes permet quant à lui d’identifier de façon proactive les femmes qui ont du talent et de leur donner accès à des postes de direction, à des occasions de réseautage, etc.
3. Si vous aviez une baguette magique, que changeriez-vous à la pratique du droit?
J’y changerais bien peu de choses, comme ma perception, probablement teintée par notre contentieux interne et les avocats externes que je côtoie, en est une très positive de la profession et de ceux qui pratiquent le droit.
Mon expérience me fait voir une profession dynamique, composée de gens très orientés sur les besoins du client et devenus de véritables partenaires d’affaires pour nous. Ce sont des gens qui nous font réfléchir et nous conseillent, qui suivent notre évolution et qui sont intéressés par nos activités. Les avocats sont proches de nos besoins, créatifs dans la recherche de solutions, rigoureux et très disponibles.
4. La perception du public envers la profession et les avocats en général est-elle plus positive, égale ou moins positive qu’elle ne l’était lors de vos débuts en pratique? Et pourquoi, à votre avis?
Je crois que la perception des avocats en entreprise, notamment, a beaucoup évolué, et pour le mieux. Auparavant, ces derniers étaient un peu perçus comme des gestionnaires de dossiers, si je peux me permettre une telle généralisation, comme si les « grands avocats » se retrouvaient en grands cabinets, et que les autres allaient à l’interne. Les choses – et la perception – ont bien changé aujourd’hui, heureusement.
En effet, les entreprises comptent aujourd’hui des départements des affaires juridiques très robustes. À titre d’exemple, nous réalisons chez TC Transcontinental l’entièreté de notre droit commercial à l’interne, et presque tout notre droit corporatif. Siégeant sur des conseils d’administration d’autres entreprises, je suis en mesure de constater qu’elles ont elles aussi des contentieux de très grand calibre. Cela n’élimine, évidemment, pas le besoin d’avoir recours à des spécialistes externes sur différentes questions de droit.
Je crois, cela dit, que les partenariats et relations existant entre les départements internes et leurs avocats externes ont beaucoup évolué au fil du temps. Ceux de l’externe nous épaulent beaucoup dans nos transformations, tout en laissant la place à nos gens de l’interne.
5. Quelle est, selon vous, la façon pour un avocat de gravir les échelons dans le monde des affaires?
Il faut, à la base, travailler très fort pour acquérir les bases nécessaires. Il faut également avoir le courage de prendre des risques et de « sauter sans parachute », en sortant de sa zone de confort pour aller plus loin. En d’autres mots, il est nécessaire de « voir plus grand que ce que l’on est » et de repousser ses limites.
Pour évoluer dans le monde des affaires et être crédible, il est également essentiel d’être authentique et intègre. C’est, en effet, ce à quoi on s’attend d’un leader, à savoir qu’il reste qui il est et qu’il défende ce en quoi il croit. En parallèle de sa vie professionnelle, il est également important de s’engager et de faire plus que de s’en tenir simplement à son travail : nous vivons tous en communauté et sommes bien plus favorisés que bien d’autres, d’où la nécessité de contribuer activement à des causes pour faire une différence.
EN VRAC….
· Une lecture qu’elle nous conseille: How Women Decide (auteure : Therese Huston).
· La dernière bonne série télévisée qu’elle a vue: Les beaux malaises (producteur : Martin Matte).
· Sa chanson fétiche: I will survive (interprétée par Gloria Gaynor).
· Une phrase qu’on lui a dite et qui a retenu son attention: La perfection n’est pas de ce monde et, chaque matin, tu te lèves et tu as la chance de réussir à nouveau.
· Son péché mignon: le chocolat !
· Ses restaurants préférés: Damas (avenue Van Horne) et, pour le lunch, le café Ricardo (rue d’Arran).
· Elle aimerait…faire un grand voyage en vélo quelque part en Europe.
· Elle admire… la Reine Elizabeth II, un exemple de détermination et de longévité, de même qu’Angela Merkel, un personnage politique influent, intègre et d’une force de caractère peu commune.
· Si elle n’était femme d’affaires aujourd’hui, elle …pratiquerait probablement le droit!

Me Isabelle Marcoux est présidente du conseil de Transcontinental inc. depuis février 2012. Elle était vice-présidente du conseil de Transcontinental inc. depuis 2007 et vice-présidente au développement de la Société depuis 2004. À ce dernier titre, elle était responsable de l’ensemble du processus de planification stratégique, ainsi que des activités de fusions et d’acquisitions. Entre 1997 et 2004, Mme Marcoux a occupé divers postes au sein de la Société. Avant de se joindre à Transcontinental, elle était avocate au sein du cabinet McCarthy Tétrault S.E.N.C.R.L.
Isabelle Marcoux siège aux conseils d’administration de George Weston Limited, de Rogers Communications inc. et de Power Corporation du Canada. Elle est également membre du conseil de la Fondation de l’Hôpital de Montréal pour enfants.
Mme Marcoux est coprésidente de la campagne Centraide du Grand Montréal 2016, l’une des principales collectes de fonds à Montréal. Elle avait d’ailleurs coprésidé la campagne 2015 du Cercle des Leaders de Centraide du Grand Montréal. En 2015, elle a également joint le cabinet de deux campagnes majeures de financement, soit celui de la Fondation OLO et celui de la Fondation des Jeunes Musiciens du Monde. Madame Marcoux a coprésidé plusieurs événements-bénéfice et a participé activement à de nombreuses campagnes de financement, notamment au profit de l’Institut de Cardiologie de Montréal, l’Hôpital de Montréal pour enfants, le Musée des beaux-arts de Montréal, la Fondation Tel-Jeunes et la Fondation Montréal inc.
En 2016, Isabelle Marcoux s’est vu décerner la prestigieuse Médaille de l’Assemblée nationale du Québec soulignant le rôle fondamental qu’elle joue au quotidien au sein de la communauté. En 2015, la Fédération des chambres de commerce du Québec lui remettait le « Mercure Leadership Germaine-Gibara – catégorie Grande entreprise », reconnaissant le parcours exceptionnel d’une femme d’affaires ayant fait preuve d’audace et d’influence tout au long de son cheminement professionnel et au sein de son secteur d’activité. En 2014, Mme Marcoux est retenue parmi la prestigieuse liste des 50 plus importants dirigeants d’entreprises canadiens du magazine Power & Influence. En 2010 et 2012, elle a reçu le prestigieux prix Canada’s Most Powerful Women : Top 100MC dans la catégorie « Dirigeantes d’entreprises ». En 2010, La Presse et Radio-Canada la nomment Personnalité de la semaine pour souligner son exceptionnelle carrière qui l’a menée aux grands conseils d’administration canadiens. En 2007, son nom figurait au palmarès des Top 40 Under 40TM du Canada, un programme de distinctions qui honore 40 Canadiens de moins de 40 ans qui se sont illustrés dans leurs fonctions.
Mme Marcoux détient un baccalauréat en sciences politiques et économie, ainsi qu’un baccalauréat en droit civil, de l’Université McGill. Elle est membre du Barreau du Québec depuis 1995. Elle est mariée à François Olivier et ils sont les parents de deux enfants, Jeanne et Philippe.