Cette semaine, Me Dominique Tardif, de ZSA, s’entretient avec Me Danielle Lavoie qui exerce chez Cadillac Fairview depuis 2014…
1- Pourquoi avez-vous, à l’origine, et même si vos fonctions ont bien évolué depuis, décidé d’être avocate plutôt que de choisir une autre profession?
Dès le secondaire, il était clair pour moi que je n’avais aucun attrait pour les sciences. Sans trop savoir quel serait le chemin pour y parvenir, je savais que je voulais me diriger vers les affaires. Je n’avais par ailleurs personne dans ma famille pour me guider, étant la première qui allait détenir plus qu’un diplôme d’études secondaires.
Au cégep, j’ai donc opté pour les sciences administratives avec mathématiques, pensant aller en comptabilité par la suite. C’est alors que j’ai fait un cours de droit des affaires et que j’ai considéré la discipline. Je n’avais pas l’intention de devenir une plaideuse : ce qui m’attirait, c’était le droit corporatif et commercial, y voyant là une occasion de pouvoir aider une entreprise à opérer et à avancer. C’est ainsi, un peu sur un coup de tête, que je me suis donc dirigée vers le droit!
2- Quel est le plus grand défi professionnel auquel vous avez fait face au cours de votre carrière?
Mon plus grand défi professionnel en carrière fut de convaincre certains de mes employeurs qu’il est possible d’avoir une carrière tout en ayant une famille. J’ai, en effet, rencontré au fil des ans toutes sortes d’embûches venant de gens qui ne pensaient pas comme moi. Alors que j’étais pour ma part convaincue que je pouvais apporter de la valeur à une entreprise, certains employeurs, eux, considéraient que le fait d’avoir un, puis deux, puis trois enfants allait nuire à ma performance. Si je devais partir tôt parfois, je recommençais pourtant le soir.
Tout cela a été un défi parce qu’il est parfois tentant de croire ce que l’on entend. Malgré tout, j’étais convaincue que je pouvais y arriver. À partir du moment où j’ai trouvé l’employeur qui a cru en moi, qui a vu au-delà de mes limites d’horaire et qui a compris que le travail se ferait toujours d’ici au lendemain matin, ma carrière a pris son envol.
En dépit du jugement des autres, je crois qu’il est essentiel de continuer de croire et de faire preuve de résilience.
3. Si vous aviez une baguette magique, que changeriez-vous à la pratique du droit?
Si j’avais une baguette magique, je changerais la vision souvent à court terme qui est véhiculée dans les cabinets d’avocats. De ce que je perçois de l’extérieur, il n’est pas habituel de voir des cabinets gérés comme le sont les entreprises, avec une vision à long terme des choses. Tout semble, en effet, fonction des dossiers du moment, des heures facturables, etc. Développer une vision à long terme est pourtant essentiel à la longévité des entreprises.
Si l’exercice était fait, je pense que l’environnement de travail pour les jeunes serait bonifié. Ceux-ci subissent, en effet, une pression énorme pour facturer un certain nombre d’heures en un an, et il n’y a que très peu de tolérance pour ceux qui n’y arrivent pas. Si les choses étaient plutôt évaluées sur un horizon de cinq ans, la pression diminuerait pour eux, sans compter que les cabinets ne se priveraient peut-être pas aussi souvent qu’ils ne le font d’une belle qualité de talent.
4- La perception du public envers la profession et les avocats en général est-elle plus positive, égale ou moins positive qu’elle ne l’était lorsque vous êtes sorties des bancs d’école?
Je crains que la perception ne soit aujourd’hui plus négative qu’à l’époque. Auparavant, l’avocat fournissant des conseils à ses clients, entreprises ou particuliers, bénéficiait d’une certaine crédibilité attachée à son statut et à sa profession. Au fil du temps, cette crédibilité s’est à mon avis effritée. Les avocats continuent toujours d’être perçus comme étant de bon conseil, mais le public accorde parfois une importance plus grande aux taux horaires qu’à la qualité de l’expérience et du bagage de l’individu qu’il consulte.
5. Quel conseil donneriez-vous à quelqu’un débutant sa carrière en droit et souhaitant devenir comme vous une femme (ou un homme) d’affaires?
Je crois beaucoup dans le fait d’enrichir ses études de droit par des études additionnelles. Dans n’importe quel type de dossiers, il est nécessaire de comprendre le client, ses motivations et l’environnement dans lequel son entreprise évolue. Avoir un bagage académique permettant de soutenir ces connaissances fait une réelle différence. Un diplôme du milieu des affaires est évidemment, à ce titre, un bon complément.
Il est aussi important de maximiser les opportunités et son ‘exposure’ à différents dossiers, en évitant de se spécialiser trop vite. Rester généraliste pendant un bout de temps est, selon moi, une très bonne chose.
Il faut aussi accepter que, parfois, il est nécessaire de faire un pas de côté ou même un pas derrière pour ensuite avancer de deux. L’orgueil nous empêche souvent de le faire, même quand c’est la bonne chose à faire. Prendre un petit recul nous donne parfois accès à de meilleures opportunités, en nous apportant un bagage de connaissances additionnelles qui font de nous quelqu’un de plus fort pour avancer : ce fut, pour moi, le cas.
Enfin, mon secret fut d’avoir une discipline personnelle ‘de fer’! Lancer une carrière avec trois jeunes enfants implique nécessairement cela, outre le fait qu’il faille accepter que sa vie sociale, pendant cinq à dix ans, soit différente. On ne peut pas tout avoir en même temps, et il faut donc être réaliste et faire certains choix!
• Un livre qui l’a inspiré récemment: The leadership contract (auteur : Vince Molinaro)
• La dernière bonne série qu’elle a vue: Mad Men! (Réalisateur : Matthew Weiner)
• Son groupe fétiche… U2!!
• Son dicton préféré – « Qui veut la fin veut les moyens »
• Son péché mignon – un bon verre de vin!
• Elle aime casser la croûte chez… Portus 360 (Boulevard Robert-Bourassa), ainsi que chez Hoogan et Beaufort (rue Molson)
• Elle aimerait aller…en Italie.
• Si elle n’était pas femme d’affaires, elle serait…sans doute professeure dans une école primaire, en étant le plus possible à l’écoute et au service des autres. Elle se rappelle combien elle aimait, quand elle était professeure de patin artistique, les enfants de son groupe, qu’elle considérait un peu comme sa famille!
Très engagée dans l’industrie immobilière au Québec depuis plusieurs années, elle a assumé la direction provinciale du Conseil international des centres commerciaux et a siégé comme présidente de CREW Montréal, dont elle a obtenu le Prix d’excellence pour son dévouement au rayonnement de l’association et de ses membres dans l’industrie de l’immobilier commercial au Québec.
Me Lavoie est diplômée en droit civil et en Common Law de l’Université McGill ainsi qu’en administration des affaires, spécialisation en comptabilité, de l’Université du Québec à Montréal. Elle détient également les qualifications de courtier immobilier agréé et de dirigeant d’agence de l’OACIQ.