Cette semaine, Me Dominique Tardif, de ZSA, s’entretient avec Me Lyne Duhaime, présidente de l’Association canadienne des compagnies d’assurances de personnes pour le Québec…
1. Pourquoi avez-vous, à l’origine, décidé d’être avocate plutôt que de choisir un autre métier ou une autre profession?
C’est plutôt le droit qui m’a trouvée! J’ai été la première à aller à l’université dans ma famille. Adorant les sciences, je voulais devenir scientifique…je rêvais de devenir Marie Curie! (rires)
Je voulais faire de la recherche et, après avoir considéré les mathématiques, ai opté pour la biologie. Or, et même si j’aimais la science, j’ai vite réalisé que j’aimais aussi « le monde » et que la vie de laboratoire était trop solitaire et isolée pour moi. J’ai alors appliqué en pharmacie, en affaires et en droit. Sans raison particulière, c’est vers le droit que je me suis finalement tournée et…je suis tombée en amour avec la discipline le premier jour du baccalauréat, pendant mon tout premier cours!!
J’ai saisi combien le droit m’aiderait à comprendre le monde dans lequel nous vivons. L’aspect intellectuel du droit me plaisait beaucoup. Même si j’ai par la suite essentiellement travaillé en droit des affaires, je me rappelle avoir autant aimé les cours de droit criminel que ceux de droit familial et constitutionnel.
A l’époque, seulement quelques cabinets recrutaient à compter de la deuxième année de droit. Ayant obtenu un stage chez Stikeman Elliott, j’ai donc fait mes débuts en grand cabinet et en droit des affaires.
2. Quel est le plus grand défi professionnel auquel vous avez fait face au cours de votre carrière?
Ma carrière a été une succession de défis. Cela dit, il s’agissait jusqu’à récemment toujours de rôles juridiques. Mon plus grand défi, je le vis donc maintenant, à titre de présidente de l’ACCAP-Québec. Je travaille aujourd’hui pour une association nationale dont le bureau principal est à Toronto, et j’assure la présidence du bureau pour le Québec, pour tous les assureurs de personnes membres de notre association (ce qui représente dans les faits 99% de notre industrie au Canada). Les enjeux sont donc ici relatifs à l’assurance-vie et à l’assurance collective, aux produits de placements et régimes de retraite, etc.
D’un poste juridique, je suis ainsi passée à un poste de gestionnaire, l’Association ayant d’ailleurs son propre contentieux, dont je ne fais pas partie. Mon travail consiste maintenant à agir comme leader d’influence auprès des médias, des autorités réglementaires ou du gouvernement, pour ne nommer que quelques exemples. Je traite ainsi d’enjeux découlant du fait que les gens vivent aujourd’hui très vieux, de questions relatives aux coûts du système de santé, de problèmes de littératie financière, et ainsi de suite. Même si mon rôle regroupe bien des choses que j’ai faites dans le passé, le contexte demeure très différent et comporte des enjeux de société très importants…et intéressants! Le juridique occupe certainement toujours une place importante dans ce que je fais, mais à un niveau différent et stratégique.
3. Si vous aviez une baguette magique, que changeriez-vous à la pratique du droit?
À mon avis, il est nécessaire de régler la question de l’accès à la justice, que les taux horaires très élevés et les obligations d’heures facturables ne facilitent évidemment pas. Je salue d’ailleurs à ce titre les Éducaloi, Juripop et autres organisations du même type.
Cela dit, et outre cela, il est selon moi important de moderniser la pratique du droit, en permettant aux avocats de fournir des services juridiques différemment. Si j’avais une baguette magique, il y aurait moins de bureaux et de dossiers « physiques », et plus de services rendus en ligne et au téléphone, à moindre coût et de qualité. Il faudrait évidemment, pour en arriver là, revoir l’encadrement de la profession. Les citoyens pourraient avoir un bien meilleur accès à la justice si, par exemple, quelqu’un recevant une mise en demeure pouvait, pour 50$, se faire expliquer ce qui s’en vient, quels sont les délais à respecter, etc. L’assurance juridique est d’ailleurs, en ce sens, un outil très intéressant d’accès à la justice.
4. La perception du public envers la profession et les avocats en général est-elle plus positive, égale ou moins positive qu’elle ne l’était lors de vos débuts en pratique? Et pourquoi, à votre avis?
Je crois que l’opinion demeurera négative tant que les gens n’auront pas un meilleur accès à la justice. A mon avis, cette opinion demeure relativement stable, si je compare la situation actuelle avec celle de mes débuts en pratique.
Il existe évidemment toujours cette dichotomie entre les entreprises et les gens qui ont les moyens, d’une part, et le reste de la population, d’autre part. Les premiers ont une opinion plus réaliste des choses justement parce qu’ils ont accès à la justice, alors que les autres, qui n’y ont pas accès, sont davantage portés à critiquer. A mon avis, une image positive passe nécessairement par l’accessibilité.
5. Quel conseil donneriez-vous à quelqu’un débutant sa carrière en droit mais souhaitant, comme vous, en faire autre chose – ou en sortir, comme on entend souvent dire?
Je crois qu’il faut, d’abord et avant tout, prendre les choses une étape à la fois. Le droit est un outil qui permet de faire différentes choses, dont celle de pratiquer le droit, mais aussi de devenir journaliste, politicien, etc. Une fois qu’est prise la décision de pratiquer le droit plutôt que d’utiliser la formation pour faire autre chose, il faut apprendre à pratiquer. En effet, le fait de détenir un baccalauréat en droit ne signifie pas que l’on connaît le métier!
Pour cela, il faut s’intéresser, en lisant un jugement non pas seulement parce qu’on peut le facturer au client mais parce qu’on souhaite apprendre. Apprendre son métier signifie aussi de se trouver des mentors, c’est-à-dire des gens qui nous prennent sous leur aile et nous enseignent la façon de réfléchir, de rencontrer un client, etc. L’accent est aujourd’hui beaucoup mis sur la nécessité de facturer des heures et de développer un réseau. Je comprends évidemment le besoin d’être rentable rapidement, mais suis d’avis qu’on ne parle pas assez de l’importance d’être rigoureux, d’aller au fond des choses et de s’intéresser au droit lui-même.
C’est après quelques années à pratiquer le droit, à apprendre son métier et à approfondir ses connaissances qu’on peut passer à la prochaine étape et décider de ce qu’on veut en faire, qu’il s’agisse de passer en affaires, de faire de la gestion ou d’opter pour autre chose.
· Le dernier bon livre qu’elle a lu – « Sapiens : A Brief History of Humankind » (auteur : Yuval Noah Harari)
· Une chanson qui la met toujours de bonne humeur – La vie en rose, interprétée par Gilles Valiquette!
· Son dicton préféré – « Tout-va-bien » (qu’elle se dit à elle-même ou à ses enfants, particulièrement quand ça ne va pas comme on voudrait et qu’il vaut mieux se calmer!)
· Son péché mignon – La tarte au citron !
· Ses restos préférés – Leméac (Avenue Laurier O), Graziella (Rue McGill) et Damas (Avenue Van Horne).
· Deux pays qu’elle aimerait visiter – l’Argentine et le Chili.
· Le personnage historique qu’elle admire le plus – Marie Curie, un modèle et une femme d’une grande intelligence, qui a fait fi de tous les obstacles de son époque. C’était une femme libre et indépendante, sans pour autant être rebelle. Seule femme à gagner deux Prix Nobel, elle a eu deux filles. L’une d’elles a elle-même gagné un Prix Nobel, alors que l’autre s’est mariée à un homme qui a eût un Prix Nobel de littérature. Elle a, visiblement, réussi sa carrière et sa famille!
· Si elle n’était pas avocate, elle serait… politicienne!
Je voulais faire de la recherche et, après avoir considéré les mathématiques, ai opté pour la biologie. Or, et même si j’aimais la science, j’ai vite réalisé que j’aimais aussi « le monde » et que la vie de laboratoire était trop solitaire et isolée pour moi. J’ai alors appliqué en pharmacie, en affaires et en droit. Sans raison particulière, c’est vers le droit que je me suis finalement tournée et…je suis tombée en amour avec la discipline le premier jour du baccalauréat, pendant mon tout premier cours!!
J’ai saisi combien le droit m’aiderait à comprendre le monde dans lequel nous vivons. L’aspect intellectuel du droit me plaisait beaucoup. Même si j’ai par la suite essentiellement travaillé en droit des affaires, je me rappelle avoir autant aimé les cours de droit criminel que ceux de droit familial et constitutionnel.
A l’époque, seulement quelques cabinets recrutaient à compter de la deuxième année de droit. Ayant obtenu un stage chez Stikeman Elliott, j’ai donc fait mes débuts en grand cabinet et en droit des affaires.
2. Quel est le plus grand défi professionnel auquel vous avez fait face au cours de votre carrière?
Ma carrière a été une succession de défis. Cela dit, il s’agissait jusqu’à récemment toujours de rôles juridiques. Mon plus grand défi, je le vis donc maintenant, à titre de présidente de l’ACCAP-Québec. Je travaille aujourd’hui pour une association nationale dont le bureau principal est à Toronto, et j’assure la présidence du bureau pour le Québec, pour tous les assureurs de personnes membres de notre association (ce qui représente dans les faits 99% de notre industrie au Canada). Les enjeux sont donc ici relatifs à l’assurance-vie et à l’assurance collective, aux produits de placements et régimes de retraite, etc.
D’un poste juridique, je suis ainsi passée à un poste de gestionnaire, l’Association ayant d’ailleurs son propre contentieux, dont je ne fais pas partie. Mon travail consiste maintenant à agir comme leader d’influence auprès des médias, des autorités réglementaires ou du gouvernement, pour ne nommer que quelques exemples. Je traite ainsi d’enjeux découlant du fait que les gens vivent aujourd’hui très vieux, de questions relatives aux coûts du système de santé, de problèmes de littératie financière, et ainsi de suite. Même si mon rôle regroupe bien des choses que j’ai faites dans le passé, le contexte demeure très différent et comporte des enjeux de société très importants…et intéressants! Le juridique occupe certainement toujours une place importante dans ce que je fais, mais à un niveau différent et stratégique.
3. Si vous aviez une baguette magique, que changeriez-vous à la pratique du droit?
À mon avis, il est nécessaire de régler la question de l’accès à la justice, que les taux horaires très élevés et les obligations d’heures facturables ne facilitent évidemment pas. Je salue d’ailleurs à ce titre les Éducaloi, Juripop et autres organisations du même type.
Cela dit, et outre cela, il est selon moi important de moderniser la pratique du droit, en permettant aux avocats de fournir des services juridiques différemment. Si j’avais une baguette magique, il y aurait moins de bureaux et de dossiers « physiques », et plus de services rendus en ligne et au téléphone, à moindre coût et de qualité. Il faudrait évidemment, pour en arriver là, revoir l’encadrement de la profession. Les citoyens pourraient avoir un bien meilleur accès à la justice si, par exemple, quelqu’un recevant une mise en demeure pouvait, pour 50$, se faire expliquer ce qui s’en vient, quels sont les délais à respecter, etc. L’assurance juridique est d’ailleurs, en ce sens, un outil très intéressant d’accès à la justice.
4. La perception du public envers la profession et les avocats en général est-elle plus positive, égale ou moins positive qu’elle ne l’était lors de vos débuts en pratique? Et pourquoi, à votre avis?
Je crois que l’opinion demeurera négative tant que les gens n’auront pas un meilleur accès à la justice. A mon avis, cette opinion demeure relativement stable, si je compare la situation actuelle avec celle de mes débuts en pratique.
Il existe évidemment toujours cette dichotomie entre les entreprises et les gens qui ont les moyens, d’une part, et le reste de la population, d’autre part. Les premiers ont une opinion plus réaliste des choses justement parce qu’ils ont accès à la justice, alors que les autres, qui n’y ont pas accès, sont davantage portés à critiquer. A mon avis, une image positive passe nécessairement par l’accessibilité.
5. Quel conseil donneriez-vous à quelqu’un débutant sa carrière en droit mais souhaitant, comme vous, en faire autre chose – ou en sortir, comme on entend souvent dire?
Je crois qu’il faut, d’abord et avant tout, prendre les choses une étape à la fois. Le droit est un outil qui permet de faire différentes choses, dont celle de pratiquer le droit, mais aussi de devenir journaliste, politicien, etc. Une fois qu’est prise la décision de pratiquer le droit plutôt que d’utiliser la formation pour faire autre chose, il faut apprendre à pratiquer. En effet, le fait de détenir un baccalauréat en droit ne signifie pas que l’on connaît le métier!
Pour cela, il faut s’intéresser, en lisant un jugement non pas seulement parce qu’on peut le facturer au client mais parce qu’on souhaite apprendre. Apprendre son métier signifie aussi de se trouver des mentors, c’est-à-dire des gens qui nous prennent sous leur aile et nous enseignent la façon de réfléchir, de rencontrer un client, etc. L’accent est aujourd’hui beaucoup mis sur la nécessité de facturer des heures et de développer un réseau. Je comprends évidemment le besoin d’être rentable rapidement, mais suis d’avis qu’on ne parle pas assez de l’importance d’être rigoureux, d’aller au fond des choses et de s’intéresser au droit lui-même.
C’est après quelques années à pratiquer le droit, à apprendre son métier et à approfondir ses connaissances qu’on peut passer à la prochaine étape et décider de ce qu’on veut en faire, qu’il s’agisse de passer en affaires, de faire de la gestion ou d’opter pour autre chose.
· Le dernier bon livre qu’elle a lu – « Sapiens : A Brief History of Humankind » (auteur : Yuval Noah Harari)
· Une chanson qui la met toujours de bonne humeur – La vie en rose, interprétée par Gilles Valiquette!
· Son dicton préféré – « Tout-va-bien » (qu’elle se dit à elle-même ou à ses enfants, particulièrement quand ça ne va pas comme on voudrait et qu’il vaut mieux se calmer!)
· Son péché mignon – La tarte au citron !
· Ses restos préférés – Leméac (Avenue Laurier O), Graziella (Rue McGill) et Damas (Avenue Van Horne).
· Deux pays qu’elle aimerait visiter – l’Argentine et le Chili.
· Le personnage historique qu’elle admire le plus – Marie Curie, un modèle et une femme d’une grande intelligence, qui a fait fi de tous les obstacles de son époque. C’était une femme libre et indépendante, sans pour autant être rebelle. Seule femme à gagner deux Prix Nobel, elle a eu deux filles. L’une d’elles a elle-même gagné un Prix Nobel, alors que l’autre s’est mariée à un homme qui a eût un Prix Nobel de littérature. Elle a, visiblement, réussi sa carrière et sa famille!
· Si elle n’était pas avocate, elle serait… politicienne!
Me Lyne Duhaime occupe le poste de présidente de l’Association canadienne des compagnies d’assurances de personnes pour le Québec (ACCAP-Québec) depuis octobre 2015. Avocate de formation, elle a pratiqué le droit à Londres et au Québec pendant plus de 23 ans, dont plus de 15 ans dans le domaine des avantages sociaux et de la retraite.
Tout juste avant de diriger l’ACCAP-Québec, elle oeuvrait au sein de l’équipe de consultation de Morneau Shepell. Elle a aussi pratiqué précédemment au sein du cabinet Fasken Martineau comme associée, ainsi que travaillé au sein du département des affaires juridiques de Sun Life.
Elle est présidente sortante de la Section des régimes de retraite et des avantages sociaux de l’Association du Barreau Canadien, qui regroupe plus de 600 avocats à travers le Canada. Elle a siégé, à titre bénévole et jusqu’en décembre 2015, au conseil d’administration de la Régie des rentes du Québec, dont elle présidait le comité de placement. Elle est aussi à l’origine de la création de la fondation de la Maison Théâtre, au sein de laquelle elle s’est impliquée pendant près de 15 ans.
Elle a publié de nombreux articles ainsi qu’un livre sur les aspects juridiques des régimes de retraite au Québec (Les aspects des régimes de retraite au Québec, Brossard, Publications CCH Ltée, 2011). Me Duhaime est membre du Barreau du Québec depuis 1992.
Tout juste avant de diriger l’ACCAP-Québec, elle oeuvrait au sein de l’équipe de consultation de Morneau Shepell. Elle a aussi pratiqué précédemment au sein du cabinet Fasken Martineau comme associée, ainsi que travaillé au sein du département des affaires juridiques de Sun Life.
Elle est présidente sortante de la Section des régimes de retraite et des avantages sociaux de l’Association du Barreau Canadien, qui regroupe plus de 600 avocats à travers le Canada. Elle a siégé, à titre bénévole et jusqu’en décembre 2015, au conseil d’administration de la Régie des rentes du Québec, dont elle présidait le comité de placement. Elle est aussi à l’origine de la création de la fondation de la Maison Théâtre, au sein de laquelle elle s’est impliquée pendant près de 15 ans.
Elle a publié de nombreux articles ainsi qu’un livre sur les aspects juridiques des régimes de retraite au Québec (Les aspects des régimes de retraite au Québec, Brossard, Publications CCH Ltée, 2011). Me Duhaime est membre du Barreau du Québec depuis 1992.