Cette semaine, Me Dominique Tardif, de ZSA, s’entretient avec Me André Dufour, associé directeur régional du bureau de Montréal de Borden Ladner Gervais…
1. Pourquoi avez-vous, à l’origine, décidé d’être avocat plutôt que de choisir un autre métier ou une autre profession?
Je n’étais pas de ceux qui comptaient, dans la famille ou les amis de la famille, des avocats. Mon père était directeur dans un hôpital et tous mes emplois étudiants étaient dans le secteur de la santé, qu’il s’agisse d’entretien ménager dans des hôpitaux, de postes de réceptionniste ou d’assistance dans des centres de personnes âgées. C’était un milieu que je connaissais bien et je me croyais destiné à devenir médecin.
À la fin du cégep, ne me sentant pas encore prêt à commencer tout de suite mes études de médecine, je me suis inscrit en philosophie. Un an plus tard, un peu déçu par la philosophie, je comptais commencer la médecine lorsqu’un ami qui faisait le droit a su me convaincre que c’était non seulement une bonne formation de base, mais un domaine dans lequel j’aurais énormément de plaisir à étudier. Je me suis donc dirigé vers le droit et… j’ai beaucoup aimé! J’y ai rencontré beaucoup de gens intéressants et trouvait le milieu très stimulant.
Mon intérêt pour les cours de droit ne changeaient cependant pas mon objectif d’entrer ensuite en médecine, jusqu’à ce que je travaille comme étudiant en droit chez Mackenzie Gervais (aujourd’hui BLG). Ce n’est donc pas tant la matière elle-même, mais mon expérience de travail qui s’est révélée être, pour moi, comme un « Eurêka! ». J’ai adoré travailler avec les avocats du cabinet, aimé le climat de collaboration qui y régnait et été stimulé de côtoyer tant de gens animés d’une grande curiosité intellectuelle et ayant des vies stimulantes et bien remplies. J’ai donc décidé de persister dans cette direction, et j’y suis depuis!
2. Quel est le plus grand défi professionnel auquel vous avez fait face au cours de votre carrière?
Ma pratique a essentiellement été une pratique de droit transactionnel, dont beaucoup au niveau international. J’y ai vécu bien des défis, mais mes plus grands défis en carrière sont probablement ailleurs.
Le premier qui me vient en tête est celui d’avoir contribué, avec d’autres, à la naissance et à l’évolution de BLG. J’ai, en effet, été impliqué à plusieurs niveaux pour faire en sorte que le cabinet de 35-40 avocats que nous étions devienne un cabinet de 700 avocats aujourd’hui. J’en tire une grande satisfaction. Agir comme l’un des instigateurs et négociateurs de la fusion entre Mackenzie Gervais et McMaster Meighen fut certainement un beau défi. J’ai rapidement, par la suite et à titre de membre du comité de gestion du cabinet fusionné, travaillé avec 15 autres négociateurs à la fusion de cinq cabinets canadiens, chacun dans leur juridiction, pour en faire un cabinet national. Le défi en fut ensuite un d’intégration, alors que j’occupais pendant une dizaine d’années des fonctions sur le conseil national du cabinet.
Aujourd’hui, le défi est aussi important. Il ne réside pas tant dans le fait d’être associé directeur régional du bureau de Montréal que dans la nécessité de concilier ces fonctions, qui impliquent d’être au service de mes collègues et de contribuer au développement et au rayonnement du cabinet, avec celle de l’avocat de droit transactionnel que je suis et qui continue de beaucoup aimer sa pratique. Il s’agit donc de conjuguer ces deux fonctions, tout en maintenant mon implication sur des conseils d’administration d’organisations diverses, en ayant des déplacements nombreux vu mon implication comme officier de l’Association du Barreau International et en demeurant présent pour ma conjointe et mes quatre enfants. Il faut nécessairement jongler avec les priorités pour trouver le temps de tout faire en même temps!
3. Si vous aviez une baguette magique, que changeriez-vous à la pratique du droit?
Comme tout le monde, je lis les journaux et constate aussi chez certains de mes clients impliqués dans des litiges qu’il existe une réelle problématique de délais et de coûts dans notre système.
Cela étant, ma perspective d’avocat de droit des affaires me fait remarquer que l’efficacité de services juridiques devrait pouvoir s’améliorer, avec pour objectif de répondre de façon plus satisfaisante aux besoins de nos clients. Même si les clients peuvent être satisfaits des résultats, il existe souvent des enjeux sur la rapidité d’exécution, les coûts et la façon dont les services sont rendus. Je n’ai évidemment pas de baguette magique, mais j’aimerais que l’on puisse se rapprocher des clients, augmenter la prévisibilité des coûts et des résultats, et réduire ces mêmes coûts.
Tout cela passe nécessairement par la révision de nos méthodes de travail et implique un travail considérable pour trouver des éléments de solution. Évidemment, les avocats sont de nature sceptique et sont parfois réticents au changement, mais beaucoup de travail se fait pour les sensibiliser et les rendre plus ouverts à l’innovation. Dans le cas de BLG, cet objectif à réaliser a notamment passé par la création d’un centre d’innovation à notre bureau d’Ottawa : nous y avons des ressources dédiées, plutôt que d’avoir des ressources réparties un peu partout au Canada qui travaillent sur des solutions isolément.
4. La perception du public envers la profession et les avocats en général est-elle plus positive, égale ou moins positive qu’elle ne l’était lors de vos débuts en pratique? Et pourquoi, à votre avis?
Notre milieu en est un qui intéresse et intrigue le public: il n’y a qu’à compter le nombre de films sur les avocats aujourd’hui, ce qu’on ne voyait pas à l’époque où j’ai grandi! Les films et séries dépeignent – de la bonne ou de la mauvaise façon – la profession. S’il m’est difficile de trancher quant à savoir si les choses vont mieux ou moins bien qu’avant, je note certainement la fascination qui existe envers le milieu.
À titre d’avocats, nous devons contribuer à l’image positive de la profession, que cela passe par l’engagement collectif ou encore par l’implication individuelle des avocats. BLG croit dans cette approche, et s’implique notamment dans le pro bono, tant pour des causes médiatisées comme l’affaire Réjean Hinse ou Lin Jun que d’autres qui le sont moins. Nous sommes très proches de la Fondation du Dr Julien, parrainons une famille de réfugiés syriens et faisons la lecture dans les écoles de milieux défavorisés. Tout cela pour dire qu’il y a bien des façons de s’impliquer : l’important est de le faire.
5. Quel conseil donneriez-vous à quelqu’un débutant sa carrière et voulant réussir en pratique privée aujourd’hui?
Soyez curieux et ouverts. Ayez toujours la volonté de vous améliorer, et choisissez un environnement qui vous permet de le faire.
La réussite, à mon avis, est le résultat non tant d’un travail individuel que collectif. Qu’il s’agisse d’avoir du succès en développement des affaires ou dans un dossier donné, le résultat dépend du travail qu’on fait en équipe dans un climat de collégialité, plutôt que de l’obsession de la réussite individuelle.
Enfin, il faut travailler en y prenant plaisir. Nous avons l’opportunité de travailler dans un milieu qui nous permet de faire des choses nouvelles et de rencontrer de nouvelles personnes régulièrement. Il y a peu de monotonie, et la chance de pouvoir développer des relations à long terme avec les gens qu’on côtoie, qu’ils soient collègues ou clients.
· Les derniers bons livres qu’il a lus et aimés: « Sapiens » (auteur : Yuval Noah Harari) et « Americanah » (auteure : Chimamanda Ngozi Adichie)
· Le dernier bon film qu’il a vu : « Captain Fantastic » (réalisateur : Matt Ross)
· Ses chansons fétiches : « Four Seasons in One Day » (groupe : Crowded House) et « La journée qui s’en vient est flambant neuve » (groupe : Avec pas d’casque)
· Ses citations préférées : « Je peux résister à tout sauf à la tentation » (Oscar Wilde) et « Ce n’est pas parce que ça vous fait mal que vous êtes obligés de pleurer » (qu’il dit d’ailleurs souvent à ses enfants!).
· Son péché mignon : Le bon vin!
· Son restaurant préféré : l’Express.
· Un endroit qu’il aimerait visiter : Cape Town, en Afrique du Sud.
· Le personnage historique qu’il admire le plus : Charles Darwin, vu son esprit d’innovation et d’aventure. Il a fait preuve de beaucoup d’audace avec sa théorie sur la sélection naturelle, et s’est posé en visionnaire de son époque.
· S’il n’était pas avocat: il serait…probablement dans le domaine des arts et peut-être architecte!
Me Dufour conseille des entreprises de toutes tailles ainsi que des institutions financières d’ici et d’ailleurs pour ce qui est de leurs activités commerciales et de leurs diverses transactions. Il a agi dans le cadre d’une multitude d’opérations commerciales, notamment des fusions et acquisitions, des réorganisations d’entreprise, des financements et des coentreprises et a participé à la négociation et à la rédaction de divers types de contrats commerciaux.
Me Dufour a fait plusieurs présentations sur le droit commercial, notamment sur la vente d’entreprises, les transactions internationales et le capital de risque. Il donne régulièrement des conférences sur des sujets reliés à la vente d’entreprises dans le cadre des conférences organisées par l’Association du Barreau International.
Me Dufour s’est également vu décerner plusieurs marques de reconnaissance au fil des ans. Il a été classé parmi les 25 avocats les plus influents au Canada en 2017 par le magazine Canadian Lawyer dans la catégorie Droit des sociétés et droit commercial et obtenu la distinction « Étoile Acritas » (Acritas Star) en 2017.