Cette semaine, Dominique Tardif rencontre la directrice de Cohn & Wolfe Montréal, l’avocate Mélanie Joly, qui nous parle de son parcours, de sa passion du droit…et nous explique pourquoi elle a quitté la profession.
Me Mélanie Joly est associée directrice du bureau de Montréal de l’agence de communication internationale Cohn & Wolfe.
Comment en êtes-vous venue à pratiquer le métier que vous exercez, et à quitter le droit?
J’ai adoré étudier le droit, tant au baccalauréat qu’à la maîtrise, et plus particulièrement le droit constitutionnel, le droit public et le droit international. Mon intérêt était vif à chaque fois qu’il s’agissait d’enjeux sociaux et politiques.
J’ai ensuite pratiqué en litige commercial au sein de deux cabinets nationaux. Je trouvais intéressant de le faire. Cela dit, je savais aussi que pour être excellent dans son domaine, il faut vraiment adorer et être passionné par ce que l’on fait. Ayant de l’ambition, je voulais, moi aussi, adorer ce que je faisais. Même si les choses allaient bien pour moi chez Stikeman, j’ai donc pris la décision, extrêmement difficile, de quitter. Mon objectif était de découvrir ce que j’aimais, de façon à ce qu’ensuite les choses découlent d’elles-mêmes. Ayant de l’intérêt pour les médias, j’ai voulu travailler à la salle des nouvelles de Radio-Canada, ce que j’ai fait. C’était très intéressant, mais le travail impliquait de rester objectif et de relater les faits, alors que j’étais habituée, en litige, à plaider un point de vue. Je me retrouvais soudainement dans un univers de journalistes et de gens qui sont souvent de nature sceptique, alors que je suis au contraire plutôt d’un naturel optimiste. Je devais aussi, par nécessité de prévenir des conflits d’intérêts potentiels, éviter de m’impliquer dans différentes activités auxquelles j’avais donné de mon temps par le passé. J’ai été, en bref, confrontée au fait que j’avais idéalisé un domaine!
Aimant le milieu des affaires, j’ai donc décidé d’y retourner, sans trop cependant savoir de quelle façon je le ferais. Les choses m’ont amenée à travailler, un peu par dépit au départ il est vrai, dans une agence de communication…et mes yeux se sont ouverts! J’ai alors compris que toutes mes implications passées m’avaient préparée pour ce type d’emploi, et que je pouvais gagner ma vie en utilisant ce type de compétences, ce que je fais depuis!
Quel est le plus grand défi professionnel auquel vous avez fait face au cours de votre carrière jusqu’ici?
Mon plus grand défi a été de procéder à la restructuration d’une entreprise (Cohn & Wolfe) et de la relancer. Nous sommes passés de sept à vingt employés depuis, et nous continuons à grandir. Le défi actuel en est donc un de gestion de la croissance. Cela implique de « gagner » de nouveaux mandats, de former de nouvelles personnes, de créer de nouveaux liens de confiance et d’en même temps assurer le contrôle de qualité, en plus de diversifier l’offre de services et de savoir bien s’entourer.
Si vous pouviez changer quelque chose à la pratique du droit, de quoi s’agirait-il?
Je pense que beaucoup d’avocats de pratique privée, du moins ceux qui sont en cabinet d’importance, ne se font pas toujours expliquer qu’ils travaillent au sein d’une entreprise. Il est pourtant primordial de comprendre le modèle d’entreprise pour voir comment l’on peut s’y insérer. Les revenus sont basés sur les heures facturées, la fidélité de la clientèle et le fait qu’elle paie pour les services rendus. Les jeunes avocats prennent souvent bien du temps à le comprendre, et à comprendre qu’il s’agit véritablement d’une business. Je crois que le fait de comprendre, pour un avocat, que son travail est fondamental à la réussite d’une entreprise et qu’il fait partie d’un projet d’entreprise est motivant. Et que cette compréhension des choses a un impact sur la motivation et sur l’esprit entrepreneurial des gens.
La perception du public envers la profession et les avocats en général est-elle plus positive, égale ou moins positive qu’elle ne l’était lors de vos débuts en pratique? Et pourquoi, à votre avis?
Je pense qu’elle est égale à ce qu’elle était, mais qu’elle n’est pas très positive pour autant. En effet, beaucoup d’entreprises se demandent pourquoi ils doivent prendre le risque d’engager des avocats sans savoir combien il leur en coûtera. « Pourquoi, en effet, ne pas partager le risque? se disent-ils. Pourquoi ne pas fonctionner par méthode de budget? «
Le taux horaire est un concept qui fonctionne dans la mesure où il se fait « acheter » par les clients; et si les clients expriment certaines réserves, il faut à mon avis que les cabinets s’y adaptent.
Quel conseil donneriez-vous à quelqu’un débutant sa carrière? Par où commencer quand on veut sortir du droit, et qu’on ne sait pas comment s’y prendre?
Peu importe la discipline que l’on choisit, il est important d’aimer ce que l’on fait. Il faut savoir se faire suffisamment confiance pour écouter son instinct et aller au-delà de ce que notre environnement valorise ou encore de ce que les façons de penser avec lesquelles on a grandi ont tendance à vouloir nous dicter. Certains restent en droit pour le prestige, ou encore pour l’argent… et il arrive que certains deviennent convaincus de leur propre réussite de ce fait, même s’ils sont pourtant malheureux. Pour trouver ce que l’on aime faire, il vaut aussi la peine de rencontrer autant de gens que l’on peut, et de s’informer, d’écouter.
En vrac…
• Un bon livre qu’elle nous recommande : « Auprès de moi toujours » Auteur : Kazuo Ishiguro
• Dernier bon film qu’elle a vu– « Blindness » Réalisateur : Fernando Meirelles
• Restaurant préféré – Le Filet (Avenue Mont-Royal Ouest)
• Un voyage qu’elle aimerait faire : Le transsibérien.
• Si elle avait à choisir une autre carrière, elle serait…animatrice d’émission d’affaires publiques!
Me Mélanie Joly est associée directrice du bureau de Montréal de l’agence de communication internationale Cohn & Wolfe.
À ce titre, elle est responsable de la stratégie de communication de nombreuses compagnies privées et publiques. Sa pratique implique la gestion d’enjeux d’envergure ainsi que du conseil en communications corporatives et marketing dans des domaines tels la restructuration corporative et le financement ainsi que le positionnement de marque. Sa clientèle inclut notamment Birks&Mayors Inc. (NYSE AMEX:BMJ), Imvescor Restaurant Group (TSX: IRG.DB) et Claridge.
Avant de se joindre à l’équipe de C&W, Me Joly a travaillé au sein de la salle des nouvelles (télévision) de Radio-Canada à Montréal, où elle acquit une connaissance approfondie du journalisme et des médias. Avocate de formation, elle a pratiqué plusieurs années en litige commercial au sein de deux importants cabinets d’avocats nationaux, Stikeman Elliott et Davies Ward Phillips & Vineberg. Au cours de sa pratique en droit, Me Joly a été impliquée dans des dossiers d’envergure, tels des litiges entre actionnaires, des procédures de faillite et de restructuration ainsi que les travaux de la Commission d’enquête Gomery.
Me Joly possède une maîtrise en droit européen et comparé de l’Université Oxford, un baccalauréat en droit de l’Université de Montréal (liste d’excellence) et est membre du Barreau du Québec.
Elle est récipiendaire de nombreux prix et bourses visant à reconnaître l’excellence de son dossier académique et l’ampleur de son implication communautaire, notamment la bourse Chevening remise par le Foreign Office britannique et le prix Goldenberg pour l’excellence de ses résultats en droit des libertés publiques.
Me Joly a été présidente de l’Association des étudiantes et étudiants de la Faculté de droit de l’Université de Montréal et vice-présidente aux communications de l’Association du Jeune Barreau de Montréal.
Elle est membre du conseil d’administration du Musée d’art contemporain (MAC) et de son comité de gouvernance et fondatrice de son Comité jeunesse. Elle est également membre du conseil d’administration du Cercle canadien, membre-fondatrice du conseil des Jeunes Canadiens en Finance (Division Femmes d’affaires), membre du conseil d’administration du Festival Bach de Montréal, membre du Conseil supérieur de la langue française et cofondatrice de Génération d’idées, un groupe de réflexion politique.
Me Joly a été nommée l’une des femmes de l’année 2008 par le magazine ELLE Québec et reconnue en octobre 2009 comme l’ « une des 15 femmes qui feront bouger le Québec » par le journal Les Affaires. En 2010, elle est devenue la première récipiendaire québécoise du Prix Arnold-Edinborough remis par Business for the Arts à une personnalité du monde des affaires de moins 40 ans s’étant démarquée par son implication au sein du milieu culturel canadien.
Elle est également membre du Comité national du Gala des Prix du Gouverneur général pour les arts du spectacle 2011 (PGGAS). De plus, elle siège au sein du conseil d’administration de la Régie des Rentes du Québec.