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Faisons parler les leaders – Caroline Bilodeau

30 January, 2013

Elle se voyait comme une défenseure de droits humains mais a bifurqué vers le droit des affaires. Dominique Tardif rencontre cette semaine Caroline Bilodeau, la grande patronne des affaires juridiques de Canadian Royalties.

Me Caroline Bilodeau est Directrice des affaires juridiques pour la compagnie minière Canadian Royalties Inc. et se spécialise en droit commercial, corporatif et civil.

Pourquoi avez-vous, à l’origine, décidé d’être avocate plutôt que de choisir une autre profession?
Toute petite, j’étais de ceux qui ‘défendent la veuve et l’orphelin’. J’aimais prendre en charge les situations où je croyais qu’il y avait une injustice ou que quelque chose devait se régler. Le père d’une de mes grandes amies était avocat, et ce qu’il faisait m’intéressait beaucoup. Au secondaire déjà, j’étais intéressée par le droit, et le choix s’est fait naturellement par la suite.

Et pourquoi le droit?
Je pensais que le droit me permettrait de faire des changements dans le monde quant aux droits des minorités. Mon objectif était, avec une telle formation, de faire une différence dans et pour le monde. Je me voyais comme un défenseur des droits humains…un peu comme une Louise Arbour d’aujourd’hui, quoi! J’avais la volonté de contribuer à un monde meilleur – et le droit me paraissait être un outil pour le faire. Évidemment, les choses se sont passées différemment : je fais du droit des affaires aujourd’hui! Il m’est arrivé à certains moments de ma carrière de repenser à mon objectif de départ, mais même si je suis certainement loin de ce que je pensais faire, je ne le regrette certainement pas et y prend d’ailleurs énormément de plaisir!

Quel est le plus grand défi professionnel auquel vous avez fait face au cours de votre carrière?
Je l’ai aujourd’hui, chez Canadian Royalties. Le défi est de prendre en charge et d’organiser le service juridique de la compagnie, en m’assurant que les décisions d’affaires de l’entreprise soient conséquentes avec les engagements que l’entreprise prend ou a pris sur divers aspects. Le travail consiste donc à s’assurer que, de concert avec l’équipe de direction, le juridique apporte significativement aux décisions d’affaires. La vitesse à laquelle les choses se font représente aussi un défi lorsqu’on agit comme conseiller juridique en entreprise : les événements se suivent les uns après les autres, les enjeux sont importants et les conséquences des décisions, souvent immédiates.

Si vous pouviez changer quelque chose à la pratique du droit, de quoi s’agirait-il?
Si je pouvais changer quelque chose à la pratique du droit, ce serait son rythme, que je ralentirais. Les avocats n’ont pas toujours suffisamment de temps pour réfléchir, analyser et penser à la stratégie. L’internet, les courriels, les scanners : tout fait en sorte que les choses vont très vite aujourd’hui. À mon avis, il existe des risques à aller si rapidement, surtout compte tenu du fait que le droit évolue constamment. La pratique est plus complexe qu’elle ne l’était. Il en résulte qu’il est plus difficile de fonctionner de façon autonome aujourd’hui ; il y a beaucoup de domaines spécialisés et d’experts à consulter. Il faut pourtant en même temps faire vite, sans toujours pouvoir aller au fond des choses. Cela ne signifie évidemment pas que nous « tournons les coins ronds » : les avocats prennent évidemment les mesures nécessaires pour couvrir tous les points, mais certains risques existent peut-être parfois.

La perception du public envers la profession et les avocats en général est-elle plus positive, égale ou moins positive qu’elle ne l’était lors de vos débuts en pratique? Et pourquoi, à votre avis?
A mon avis, la perception est plus positive qu’elle ne l’était avant. Je remarque, tant dans mon milieu professionnel que mon entourage, qu’il y a toujours cette critique envers les coûts et frais – et je crois que ce sera, malheureusement, probablement toujours le cas dans une certaine mesure. Cela dit, il y a aussi en même temps cette conscientisation quant au fait que le droit est présent partout, que le besoin pour les avocats existe et que des conséquences découlent de la décision, le cas échéant, de ne pas recourir aux avocats quand le besoin de le faire est pourtant présent.

Quel conseil donneriez-vous à quelqu’un débutant sa carrière et voulant réussir en entreprise?
Je conseillerais certainement à l’avocat qui débute en entreprise de s’assurer de se doter de la formation adéquate dans les domaines dans lesquels il exercera. Être bien formé, c’est important! Le défi de l’avocat en entreprise est d’être généraliste et de pouvoir intervenir sur une foule de sujets, en sachant donner des opinions et conseils juridiques. On ne peut évidemment être spécialiste en tout, mais il faut se doter des bons réflexes dans un éventail varié de secteurs de pratique. Pour savoir quand recourir à son avocat externe sur un sujet très pointu, il faut au départ avoir les bons réflexes pour savoir identifier les enjeux en cause. Il faut aussi savoir, en entreprise, bien écouter. Pour donner un bon service à ses clients internes, il est impératif de savoir les comprendre. Vivre emmuré dans son bureau ne permet pas certainement d’interagir suffisamment avec les autres! L’avocat d’entreprise doit donc s’impliquer, donner son avis et créer chez les gens d’affaires le réflexe de recourir à lui dès le départ, parce que personne n’aime évidemment se faire arrêter près de la fin d’un projet. Réussir comme avocat d’entreprise implique donc de savoir être considéré comme partie intégrante des projets : il appartient à l’avocat de créer cette relation.

En vrac…
•        Un livre qu’elle nous suggère– « Jackdaws » de Ken Follett.
•         Le dernier bon film qu’elle a vu – « The Guardian » de Andrew Davis
•         Son péché mignon – le spinning (pas un gros péché mais nous vous l’accordons!)
•         Son restaurant préféré – The Royal Oak Pub (Rue Havant, Hampshire, England)
•         Un pays qu’elle aimerait visiter – L’Autriche
•         Le personnage historique qu’elle admire le plus et pourquoi? – Louise Arbour, parce que c’est une femme de tête engagée et dévouée, qui a su aider l’humanité en même temps que d’être mère de famille de surcroît.
•         Si elle n’était pas avocate, elle serait… fermière en Europe (et elle précise : avec des chèvres!)

Bio
Me Caroline Bilodeau est Directrice des affaires juridiques pour la compagnie minière Canadian  Royalties Inc. et se spécialise en droit commercial, corporatif et civil.
Depuis le tout début de sa carrière, Me Bilodeau a  œuvré comme conseillère juridique  en entreprise. Tout d’abord, auprès d’une compagnie d’assurance où elle a, entre autres, eu la chance de participer à un dossier majeur de démutualisation et de réorganisation.
Elle est ensuite passée chez un consultant en avantages sociaux et régimes de retraite, avant  de quitter le pays pour aller travailler pour une compagnie multinationale et  un intégrateur de systèmes basé en Angleterre. Elle fut alors responsable de la négociation et de la rédaction de contrats d’envergure avec des partenaires situés en Europe et aux États-Unis.
A son retour, il y a près de six ans, Me Bilodeau a œuvré en droit commercial et fusions & acquisitions pour la Bourse de Montreal, où elle a participé à de nombreux dossiers transactionnels.
Me Bilodeau a ensuite constitué et organisé le service juridique de Kitco, une entreprise  œuvrant dans le domaine des métaux précieux, pour finalement décider de relever le défi de sa carrière dans son nouveau rôle de Directrice des affaires juridiques  de Canadian Royalties. Me Bilodeau est titulaire d’un baccalauréat en droit de l’Université Laval et est membre du Barreau du Québec depuis 1990.