Dominique Tardif rencontre Annie Galarneau, conseillère juridique principale des Rôtisseries St-Hubert. L’avocate revient sur son parcours qui l’a menée à la pratique au sein de la chaîne de restaurants.
Me Annie Galarneau est conseillère juridique principale chez Les Rôtisseries St-Hubert, qu’elle a rejoint en juin 2010. À ce titre, elle est la seule et unique avocate de l’entreprise.
Pourquoi avez-vous, à l’origine, décidé d’être avocate plutôt que de choisir un autre métier/profession?
Mon père était chimiste et agissait comme expert pour la Couronne dans des dossiers criminels. J’ai donc souvent, même jeune, entendu parler du métier. Ma famille était par ailleurs de celles qui aiment discuter d’actualité et argumenter autour de la table le soir. Même si les gens me disaient souvent que je ferais une bonne avocate, je ne peux pas pour autant dire que j’ai toujours rêvé de cela. J’ai en effet fait des demandes très diversifiées lorsqu’est venu le temps d’entrer à l’université, à savoir en architecture, droit et biologie. J’en ai finalement conclu que d’être seule dans un laboratoire ou devant ma page blanche n’était pas pour moi, et que la plaidoirie rencontrait davantage mon besoin d’interagir avec des gens. J’ai ainsi pendant les études fait des concours de plaidoirie, puis du litige pendant mon stage en entreprise et chez Woods.
Quel est le plus grand défi professionnel auquel vous avez fait face au cours de votre carrière?
Deux choses me viennent spontanément en tête :
D’abord, le fait de passer de la pratique privée à l’entreprise a été à la fois un grand changement et un défi : je quittais un cabinet où tous les avocats faisaient du litige et où il y avait constamment beaucoup d’adrénaline, compte tenu de la préparation des procès et des dossiers. En entreprise, les dossiers sont tout aussi intéressants, mais le rythme de travail est différent : il y a autant de travail dans l’un et l’autre cas, mais le travail est plus constant, avec moins de variations entre des pôles d’activités élevés et moins élevés. L’autre important défi de ma carrière a été de me retrouver seule et première conseillère juridique de St-Hubert et, avec le temps, d’apprendre à savoir où était ma plus grande valeur ajoutée pour maximiser mon apport pour l’entreprise. Le travail implique dans un cas comme celui-là de rencontrer les différents départements pour déterminer leurs besoins, en même temps que de répondre à des questions qui viennent de tous les domaines possibles. Il faut, avec la connaissance qu’on acquiert progressivement de l’entreprise, savoir déterminer quelles sont les questions sur lesquelles il est nécessaire de faire une recherche ou de contacter les avocats externes, et quelles sont les questions qui ne le méritent pas. Lorsqu’on est seul à l’interne, il faut apprendre rapidement à prioriser les dossiers, ce qui présuppose une bonne compréhension et gestion des risques. Le travail implique aussi de faire de la formation à l’interne, et de s’ajuster aux besoins de ses différents clients, qui n’ont pas tous besoin de notre soutien de la même façon : certains sont très autonomes, alors que d’autres sentent davantage le besoin d’être épaulés.
Si vous pouviez changer quelque chose à la pratique du droit, de quoi s’agirait-il? Quels sont selon vous les changements à anticiper au cours des années à venir quant à l’exercice de la profession en entreprise/en cabinet?
Je crois que la création d’une véritable relation entre une entreprise (et son conseiller juridique) et un cabinet externe passe nécessairement par un changement dans la structure des coûts. La facturation à l’heure est, selon moi, un frein au développement d’une relation d’affaires optimale, surtout dans le présent contexte où les budgets d’honoraires externes des entreprises sont constamment diminués : cette relation est selon moi forcément différente quand tu sais, comme avocat interne, que tu es facturé chaque fois que tu décroches le téléphone pour poser une question.
Je crois aussi que l’accessibilité à la justice doit changer, être bonifiée. Ce n’est pas seulement que l’accès à la justice est dispendieux, mais que le droit est parfois tellement complexe que les gens ne vont pas consulter l’avocat au départ mais seulement lorsque les problèmes arrivent. Je crois qu’il est possible de faire un contrat bien ficelé sans qu’il compte nécessairement des dizaines de page. Il faut à mon avis savoir garder en tête que les entrepreneurs veulent faire des affaires, et que notre rôle est de leur permettre d’atteindre leur objectif tout en minimisant leurs risques et non de compliquer les choses.
La perception du public envers la profession et les avocats en général est-elle plus positive, égale ou moins positive qu’elle ne l’était lors de vos débuts en pratique? Et pourquoi, à votre avis?
Je pense que la perception est, de façon générale, la même. J’ai toujours trouvé que le public avait une relation ambivalente avec les avocats. En effet, même si les gens aiment bien, d’une part, dire “ah ! Les avocats…” en levant les yeux au ciel, ce sont aussi ces mêmes personnes qui sont généralement bien fières d’avoir, par exemple, un avocat dans la famille…
Je crois par ailleurs que la profession est encore mal connue des gens, et que le réflexe de la plupart est de penser au litige lorsqu’ils pensent à la pratique de l’avocat, vu l’actualité – une pratique qui parfois ne nous fait pas bonne presse.
Combien sont ceux qui, quand j’explique que je suis avocate chez St-Hubert, me demandent pourquoi la compagnie est poursuivie?, dit-elle avec le sourire dans la voix. Je leur explique alors que mon travail est bien différent de ce à quoi ils pensent spontanément, et que je fais bien d’autres choses!
Quel conseil donneriez-vous à quelqu’un débutant sa carrière?
Nous sommes, au Québec, encore bien jeunes lorsque nous terminons notre formation en droit. Je crois que le fait de commencer la pratique un peu plus tard et d’acquérir d’autres expériences est un avantage dans bien des cas.
Pour celles et ceux qui veulent débuter leur pratique en cabinet, je crois qu’il est important de commencer au sein d’un très bon cabinet, dans le but d’apprendre dès le début la rigueur qui permet ensuite d’aller où l’on veut. Bien choisir le premier endroit où l’on travaille, c’est trouver les bons mentors et s’assurer de travailler sur le type de dossiers que l’on recherche et qui nous permettra d’apprendre. Je crois aussi qu’il faut éviter de trop se spécialiser : si l’on travaille en litige commercial par exemple, on doit à mon avis s’assurer de traiter différents types de litiges commerciaux, parce que cela aide à développer des réflexes qui sont plus variés.
En vrac :
• Dernier bon livre qu’elle a lu : « Hunger Games » de Suzanne Collins
• Dernier bon film qu’elle a vu : « Café de flore » (réalisateur : Jean-Marc Vallée)
• Elle dit souvent…« c’est n’importe quoi ! »
• Son péché mignon : le chocolat
• Son resto préféré : Bottega pizzeria (boul. St-Martin, Laval)
• Elle aimerait visiter… l’Italie
• Si elle n’était pas avocate, elle serait probablement… psychologue pour enfants.
Me Annie Galarneau est conseillère juridique principale chez Les Rôtisseries St-Hubert depuis juin 2010. Étant la seule avocate au sein de l’entreprise, elle conseille et supporte la direction et les divisions restauration et ventes au détail. À ce titre, elle est principalement responsable de tous les aspects légaux reliés au développement immobilier et franchises et, également, de la gestion du portefeuille de marques de commerce, des litiges et du secrétariat corporatif. Avant d’exercer ses fonctions actuelles, Me Galarneau a été conseillère juridique principale chez Québécor Média (2006 à 2010) et a exercée en litige civil et commercial chez Woods de 1997 à 2006, où elle a eu la chance de plaider devant tous les tribunaux du Québec et à la Cour suprême du Canada. Me Galarneau a toujours été très impliquée dans la communauté juridique en étant membre du Comité des avocats en entreprise du Barreau de Montréal de 2008-2012, Secrétaire du Barreau de Montréal de 2005-2006 et Secrétaire générale et membre du conseil d’administration de l’Association du Jeune Barreau de Montréal de 2001 à 2003. Me Galarneau a été admise au barreau en 1997 et détient un Baccalauréat en Droit de l’Université de Montréal. Elle a notamment gagné le Trophée Jean Martineau pour la meilleure équipe de plaideurs lors du Concours National de Plaidoirie Pierre-Basile Mignault.