Dominique Tardif donne la parole au nouvel associé directeur du cabinet Lavery : Don McCarty. Il revient sur son parcours, ses défis et sa vision du métier.
Pourquoi avez-vous, à l’origine, décidé d’être avocat plutôt que de choisir une autre profession? Le chemin était-il déjà tout tracé ou est-ce l’aboutissement de longues réflexions ou le fruit du hasard?
Ayant une mère secrétaire et un père soldat, je n’étais pas entouré de professionnels étant jeune. J’ai beaucoup appris d’eux cela dit : mon père m’a notamment inculqué la discipline et ma mère, donné de l’amour et éveillé aux arts. Chez les Jésuites, on me poussait vers les débats, le parlement simulé et l’art oratoire. J’ai d’ailleurs gagné à l’époque un tournoi international de “debating”. À la fin du secondaire, je savais, tout simplement, que j’allais être avocat. Tout le monde s’y attendait, et je ne voyais aucune raison de les décevoir ! (Rires)
Quels sont les deux plus grands défis professionnels auxquels vous avez fait face au cours de votre carrière ?
Le premier défi fut de faire la transition de la pratique privée vers l’entreprise. J’ai quitté une pratique qui était intéressante et prospère chez Lavery, laissant de côté une certaine sécurité pour aller vers l’inconnu. Une fois à l’interne chez Imperial Tobacco, je me suis consacré à desservir les intérêts d’un seul client. Le défi résidait dans le fait de passer d’une fonction d’avocat au sens strict du terme, vers une fonction à laquelle qui impliquait aussi d’être membre de l’équipe de direction. Cela faisait appel à certaines compétences jusqu’alors non développées, notamment en matière de ressources humaines, finances et marketing, et représentait un grand défi.
Le second grand défi de ma carrière est celui que je vis présentement, à savoir de revenir vers Lavery et la pratique privée. Je suis quelqu’un qui aime les défis et le changement, et j’en étais à un point où je me trouvais dans une zone de confort chez Imperial Tobacco, après avoir développé avec le temps les compétences nécessaires pour évoluer en entreprise et avoir été entouré d’une équipe fantastique notamment composée de Tamara Gitto et Caroline Ferland. Chez Lavery, on s’attend de moi à ce que j’apporte une connaissance des marchés juridiques du point de vue du client, une expérience de droit des affaires comme avocat ainsi qu’au mass tort litigation, de même que comme gestionnaire. Tout cela est encore tout nouveau, et je dois dire que je trouve l’expérience fascinante. J’y retrouve par ailleurs d’anciens copains, en plus de rencontrer beaucoup de gens nouveaux : j’adore !
Si vous aviez une baguette magique, que changeriez-vous à la pratique du droit ?
Si j’avais une baguette magique, je choisirais d’améliorer le niveau de courtoisie qui existe entre confrères. En effet, je crois que les choses se sont détériorées depuis 15 ans. Nombreux sont les avocats qui se comportent avec civilité et courtoisie évidemment, et auxquels on peut faire confiance. Il s’en trouve cependant qui perdent un peu leur impartialité et qui adoptent un discours allant au-delà de ce que le devoir d’un avocat exige. Certains vont même jusqu’à adopter effectivement le discours de leurs clients, jusqu’à manquer de respect ou de civilité. À mon avis, il revient aux avocats plus seniors d’apprendre aux jeunes avocats la façon de faire les choses dès le début. Je regrette aussi que le mentorat soit devenu ce qu’on pourrait appeler un “art perdu” : j’aimerais voir un plus grand nombre d’avocats seniors prendre plus de temps pour enseigner non seulement le droit et la pratique, mais aussi la façon de faire les choses, en menant par l’exemple.
La perception du public envers la profession et les avocats en général est-elle plus positive, égale ou moins positive qu’elle ne l’était lors de vos débuts en pratique? Et pourquoi, à votre avis ?
Je trouve que la perception est plus négative qu’avant. Les avocats sont souvent perçus comme offrant des services qui coûtent trop cher et comme des gens qui sont un peu comme un obstacle au progrès : certains pensent que de consulter un avocat est la dernière chose à faire, puisque cela entraîne plus souvent qu’autrement des ennuis et des frais. Pourtant, le contraire est très souvent vrai. Je crois simplement que les gens ne le réalisent plus autant qu’avant. Par ailleurs, ce qui est véhiculé dans les médias et ce que les gens apprennent au sujet des avocats, correspond souvent aux pires cas et non à ceux où les avocats ont véritablement rendu service. Tout cela est désolant, mais c’est la réalité.
À titre d’associé directeur de Lavery, quels conseils donneriez-vous à quelqu’un débutant sa carrière et voulant réussir comme avocat en pratique privée ?
D’abord, je crois qu’avant de s’inscrire à la faculté de droit, il est nécessaire de s’informer sur la profession telle qu’elle est aujourd’hui. Il est inutile d’avoir des illusions sur ce qu’elle est. Beaucoup de jeunes entrent en droit par défaut, ne sachant pas ce qu’ils veulent faire. Il est vrai que le droit peut mener à bien d’autres choses, bien sûr, mais s’informer davantage avant d’entreprendre trois années d’études, le Barreau et le stage, constituerait un atout pour plusieurs.
Une fois arrivé en cabinet, le jeune avocat fait face à une réalité qui est actuellement plus difficile qu’elle ne l’était dans mon temps. Les jeunes avocats doivent rapidement se développer et n’avoir ni peur du changement ni peur de travailler fort. Il est également nécessaire de développer des habiletés d’ordre social, en trouvant la façon de rester soi-même tout en faisait ressortir ce qu’il y a de mieux chez les autres. Avoir le souci des autres, que ce soit envers les collègues ou les clients, aide dans la pratique et facilite les relations humaines…parce que le droit, après tout, c’est bien souvent cela.
En vrac…
• Deux bons livres qu’il a lus : “Le dernier lion”, 3ème volume de la biographie de Churchill, de William Manchester. “At the sharp end” de Tim Cook, un livre sur le rôle des troupes canadiennes pendant la Première Guerre mondiale que ce passionné d’histoire notamment de cette période, a beaucoup aimé.
• Le dernier bon film qu’il a vu : “Zero Dark Thirty” de la réalisatrice Kathryn Bigelow.
• Ses chansons fétiches : “Supplique pour être enterré à la plage de Sète” de Georges Brassens et “La complainte phoque en Alaska” de Beau Dommage.
• Son péché mignon : faire l’école buissonnière pour jouer au golf les beaux après-midi d’été ou fpour aire du ski les beaux après-midi d’hiver !
• Son restaurant préféré : le Four Seasons Restaurant à New York sur la 99 E 52nd St., et L’Autre Saison rue Crescent à Montréal.
• Le pays qu’il aimerait visiter : L’Inde.
• Le personnage historique qu’il admire le plus et pourquoi ? Winston Churchill pour son courage.
• S’il n’était pas avocat, il serait… écrivain car il adore le langage et les langues.
Me Don McCarty est devenu associé directeur du cabinet Lavery le 1er janvier 2013. À ce titre, il est responsable de la mise en œuvre de la vision et du plan stratégique du cabinet. Il a fait carrière chez Lavery de 1979 à 1997 et il a été associé à compter de 1987 au sein du groupe de droit des affaires. Il a développé une pratique spécialisée en droit des affaires et en droit de l’environnement, et a agi à titre de conseiller juridique auprès d’un éventail de clients constitué principalement d’entreprises canadiennes et multinationales œuvrant dans les industries pétrolière, gazière, minière et des services environnementaux. De 1997 à 2012, Me McCarty a occupé le poste de vice-président des Affaires juridiques et chef du contentieux auprès d’Imperial Tobacco Canada Limitée, le plus important fabricant canadien de produits du tabac. À ce titre, il était membre du conseil d’administration et de l’Équipe de direction de l’entreprise. Il a piloté des transactions et des restructurations commerciales majeures et il a aidé son entreprise à composer avec plusieurs événements et enjeux qui ont façonné ses activités commerciales et celles de toute l’industrie. Il a aussi mis en œuvre des stratégies juridiques innovantes pour la gestion de litiges d’envergure et il a reçu, en 2005, le Prix des conseillers juridiques du Canada, présenté par ZSA Recrutement juridique et le National Post, dans la catégorie « gestion des litiges et restructuration des entreprises ». Membre des Barreaux du Québec et de l’Ontario, il parle couramment le français et l’anglais, et possède une connaissance d’usage de l’espagnol.