Cette semaine, Dominique Tardif, de ZSA s’entretient avec Me Marc Tanguay. Après avoir pratiqué chez Stikeman Elliott et Delegatus, il est actuellement député libéral à l’Assemblée nationale du Québec.
Pourquoi avez-vous, à l’origine, décidé d’être avocat plutôt que de choisir un autre métier? Pourquoi ne pas avoir opté pour la politique dès le début?
À la fin du secondaire, je me souviens m’être posé des questions existentielles quant à mon futur. La conclusion à laquelle j’en arrivais était que je voulais faire des affaires. C’est avec cette idée en tête que j’ai d’abord fait une technique administrative. Sentant qu’il me manquait dans cette discipline un certain aspect humain, je me suis dirigé vers les sciences politiques à l’Université Laval. Or, à l’époque, je ne voulais ni enseigner dans le domaine ni travailler au sein du gouvernement une fois mes études de baccalauréat complétées.
J’ai donc bifurqué vers le droit, comme la discipline allait me permettre de toucher tant au monde des affaires qu’aux relations humaines. Et… je m’y suis retrouvé! Le résultat, aujourd’hui, me paraît évident, mais cela ne l’était pas autant au début de mon processus de réflexion. J’ai ensuite commencé à pratiquer en litige commercial, gérant des relations conflictuelles au bénéfice des entreprises que je représentais.
Tout cela m’aide aujourd’hui dans mon rôle de député de l’Assemblée nationale. Les forces développées en litige commercial et celles nécessaires pour exercer mon mandat actuel sont intimement liées, même si, la logique et l’approche diffèrent. En litige, l’avocat est appelé à servir sa clientèle et à défendre celle-ci contre la partie adverse. À titre de député, on ne représente pas un groupe contre un autre, mais notre rôle demeure de faire avancer la cause de quelqu’un, non au détriment de quelqu’un d’autre mais en faveur des gens que nous représentons. L’objectif est d’analyser le problème, de trouver des solutions, de prendre en compte l’aspect humain à travers tout cela et, au final, d’aider la personne dont nous défendons les intérêts.
Quel est le plus grand défi professionnel auquel vous avez fait face au cours de votre carrière? Mon plus grand défi professionnel est lié à mes fonctions actuelles de député. Contrairement au droit, la politique présente moins de prévisibilité. En droit, l’avocat connaît les ‘règles du jeu’ et est en mesure de prédire à son client, avec l’expérience et relativement peu de chance de se tromper, un certain résultat. En politique, la prévisibilité n’est pas la même: des dossiers similaires peuvent parfois mener vers des résultats très différents. Même les maisons de sondage ont de la difficulté à prédire le vote – c’est tout dire!(rires)
Le député rencontre donc l’individu, comprend l’enjeu mais, souvent, a de la difficulté à prédire le résultat. Il faut donc avancer avec le citoyen, en s’assurant de l’informer au fur et à mesure de la progression des démarches, sachant que nous sommes parfois le dernier recours du citoyen, ce qui rend la chose d’autant plus importante. En effet, la personne qui rencontre son élu quant à un problème donné le fait souvent avec cette impression qu’il n’y a pas d’autre solution, sans quoi quelqu’un d’autre l’aurait déjà trouvée.
Si vous aviez une baguette magique, que changeriez-vous à la pratique du droit?
Je raccourcirais les délais, qui engendrent bien des inconvénients, à savoir du stress, des coûts et des difficultés sur le plan humain. Les réformes du Code de procédure civile démontrent que des efforts sont faits en ce sens.
Je comprends, évidemment, qu’il faut laisser à chacun le temps de déposer sa preuve et de prendre connaissance de celle de l’autre, mais j’aimerais que l’on puisse atteindre cet objectif plus rapidement. Des délais que nous connaissons naissent bien des écueils auxquels nous devons malheureusement faire face ensuite.
La perception du public envers la profession et les avocats en général est-elle plus positive, égale ou moins positive qu’elle ne l’était lors de vos débuts en pratique? Et pourquoi, à votre avis?
Je pense qu’elle est égale à ce qu’elle était lorsque j’ai commencé et elle demeure très perfectible (notamment du côté des délais). Je suis d’avis que l’avenir de la profession se trouve dans l’autorégulation: l’amélioration des choses passera beaucoup par la reconnaissance par les avocats eux-mêmes des délais qui existent et qui doivent être réduits.
La solution dépend en grande partie du comportement que les avocats auront entre eux en se disant qu’ils peuvent aller un peu plus vite…parce que la majorité du temps, il est effectivement possible de faire plus rapidement dans les dossiers.
Quel conseil donneriez-vous à quelqu’un débutant sa carrière & voulant avoir du succès dans sa carrière d’avocat de litige?
Il faut, d’abord, savoir cultiver sa curiosité dans tous les domaines. Cela passe par la lecture. Les dossiers étant extrêmement variés, il faut saisir l’occasion de lire tout ce que l’on peut sur les domaines qui nous intéressent. Non seulement la profession exige que nous soyons curieux de tout, mais le client est entre de meilleures mains lorsque l’avocat qui se tient devant lui a des connaissances dans différents domaines.
Il faut également développer sa capacité à comprendre trois types de personnes : le client, la partie adverse et le juge. Pour le client, il faut connaître ses craintes, ses objectifs et sa capacité ou non à gérer le stress qui va de pair avec un litige. Pour la partie adverse, il s’agit de comprendre la vision qu’elle a du dossier. C’est une étape nécessaire pour être en mesure de bien conseiller le client sur les possibilités de régler. Quant au juge, il faut savoir lire les signaux qu’il envoie afin de déterminer s’il ‘nous suit ou non’ et il faut, surtout, faire cette évaluation à chaque jour du procès.
En vrac…
• Le livre qu’il termine actuellement – une biographie de Thomas Jefferson : ‘Thomas Jefferson : The Art of Power’ (auteur : Jon Meacham)
• Le dernier bon film qu’il a vu – Le Prénom (réalisateurs : Alexandre de la Patellière et Matthieu Delaporte)
• Sa chanson fétiche – ‘Livin’ on a Prayer’ de Bon Jovi!
• Son diction préféré – ‘Allons-y une étape à la fois’ – il l’applique presqu’à tous les jours et le répète aux gens qui viennent le voir.
• Son péché mignon – la découverte de bons vins rouges!
• Son restaurant préféré est…dans son comté! – Le Prima Luna (7301 Henri-Bourassa Est)
• L’endroit qu’il aimerait revoir – Rome, et l’Italie de fond en comble!
• Le personnage historique qu’il admire le plus (et pourquoi?) – Winston Churchill, un homme très complet. C’est un homme qui était à la fois politicien, chef d’État, journaliste, romancier, historien, amoureux des voyages, peintre, et j’en passe. C’était un intellectuel qui avait une approche extrêmement pragmatique et qui ‘savait où était le nord’.
• S’il n’était ni avocat ni député, il serait…enseignant!
Me Marc Tanguay est député libéral de la circonscription de La Fontaine à l’Assemblée nationale du Québec. Il fut élu député pour la première fois le 11 juin 2012, lors d’une élection partielle, puis réélu les 4 septembre 2012 et le 7 avril 2014, lors d’élections générales. Il fut notamment porte-parole de l’Opposition officielle pour la Charte de la langue française et en matière de laïcité. Il est, depuis le 23 avril 2014, adjoint parlementaire du ministre des Transports et ministre responsable de Montréal. De 2009 à 2012, il a été président du Parti libéral du Québec.
Il débuta sa carrière en litige commercial, en 2001, chez Stikeman Elliott. En 2007, il fut Directeur de la conformité chez GE Capital Canada. De 2010 jusqu’à son élection comme député, il pratiqua au sein du cabinet Delegatus. Par ailleurs, de 2009 à 2012, il enseigna la procédure civile à l’École du Barreau du Québec, à Montréal.
Depuis 2009, Me Tanguay est membre de L’idée fédérale, un réseau québécois de réflexion sur le fédéralisme. En 2009, il cofonda la section Conformité réglementaire et éthique de l’Association du Barreau canadien, Division du Québec. Il fut membre de l’exécutif de cette section jusqu’en 2012.
Me Tanguay est titulaire de deux baccalauréats, le premier en sciences politiques de l’Université Laval (1997) et le second en droit, de l’Université de Montréal (2000). Il est membre du Barreau du Québec depuis 2001.