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Faisons parler les leaders – Martine Loranger

29 January, 2013

Cette semaine, Dominique Tardif rencontre Julie-Martine Loranger, associée de Gowlings à Montréal. Cette avocate spécialisée en litige, revient sur son parcours, ses défis et sur l’évolution du métier.

Julie-Martine Loranger se spécialise dans le domaine du litige, aussi bien civil que commercial.

Pourquoi avez-vous, à l’origine, décidé d’être avocate plutôt que de choisir un autre métier/profession?
J’avais beaucoup de facilité, à l’école, avec tout ce qui s’appelait «expression orale». Alors que plusieurs de mes camarades étaient inconfortables ou «gelaient» lorsqu’ils étaient appelés à parler en public, j’étais à l’aise et me plaisais tant dans les présentations que dans le théâtre. C’est en fait l’aspect oratoire de la profession qui m’a poussée vers le droit – même si la réalité est qu’on ne plaide souvent pas autant qu’on ne le penserait!

Quel est le plus grand défi professionnel auquel vous avez fait face au cours de votre carrière?
Mon plus grand défi professionnel a été de développer une niche et un champ de spécialisation pointu en matière de services financiers, tant quant aux dossiers portés devant les tribunaux que ceux faisant intervenir les régulateurs. Pour en venir à desservir différents clients de ce secteur d’industrie et à faire en sorte qu’ils reviennent nous consulter, et cela, même s’ils peuvent parfois être compétiteurs entre eux, il faut faire en sorte qu’ils aient une grande confiance en notre professionnalisme et notre sens de l’éthique.

Et comment parvient-on à développer une telle pratique?
Il est pour y parvenir nécessaire de bien comprendre l’industrie qui nous intéresse : il y a beaucoup de choses à lire, tant sur le point réglementaire et légal que sur l’industrie des services financiers, qu’il s’agisse d’écrits, de jurisprudence ou d’autre chose. Je suis fascinée par le marché boursier, l’économie et la finance, et je m’informe constamment, en plus de suivre ce qui se passe dans le monde et évidemment aux États-Unis. Cela implique aussi d’identifier les principaux intervenants de l’industrie, comme ce sont eux qui sont susceptibles de devenir nos meilleurs professeurs – dans la mesure où on sait faire preuve de l’humilité voulue pour demander à se faire expliquer les choses. Tout cela demande évidemment beaucoup de temps et d’efforts, mais plus on en sait, mieux on comprend et mieux on conseille.

Quels sont selon vous les changements à anticiper au cours des années à venir quant à l’exercice de la profession en cabinet?
À mon avis, la pratique du droit risque de beaucoup changer avec le phénomène de globalisation que nous connaissons sur le plan des services juridiques. Nous assistions, il y a dix ans, à une vague de fusions et à la création de bureaux pancanadiens. Aujourd’hui, le phénomène est à un tout autre niveau, et il devient nécessaire de mieux se positionner et de faire en sorte que les pratiques des uns et des autres soient mieux orientées, dans le but de mieux servir les clients à travers le monde. Pour cela, il est nécessaire d’encore mieux connaître ses clients et leurs projets qu’avant : il faut être avec eux, et au-devant des choses. Certains choisissent les alliances, d’autres les fusions, et d’autres encore la croissance organique – mais tous sont devant un défi de positionnement. Il sera intéressant d’observer la façon dont la pratique du droit au quotidien sera changée du fait de cette globalisation, qui impliquera une augmentation de la compétition, la nécessité d’être rapide et celle de savoir montrer en quoi on se distingue des autres.

La perception du public envers la profession et les avocats en général est-elle plus positive, égale ou moins positive qu’elle ne l’était lors de vos débuts en pratique? Et pourquoi, à votre avis?
Je pense que la perception du public est bonne de façon générale. Les avocats ont, je crois, vu s’améliorer la perception du public envers eux au fil des ans. La profession est perçue comme ayant du sérieux et comme étant respectée.
Les cabinets d’avocats, de façon générale, montre de plus d’ouverture et de transparence qu’avant sur ce qu’ils font. La compétition sur le marché, le fait qu’il y ait des façons de faire bien établi pour obtenir certains dossiers, de même que le fait que les conseillers juridiques internes savent bien poser leurs conditions participe aussi à cette amélioration.
Je crois aussi que le citoyen qui prend le journal ou regarde les informations comprend mieux qu’avant ce que font les avocats. Ils y sont en effet omniprésents, tant par le biais de bilans qui sont faits sur les causes que par la mention de prix et distinctions reçus par les uns et les autres. Cette meilleure compréhension, à mon avis, aide les choses.

Quel conseil donneriez-vous à quelqu’un débutant sa carrière? Comment fait-on pour réussir et se démarquer?
Il faut comprendre toute l’importance qu’a le client, qui vient à nous pour être guidé et obtenir une réponse. Les avocats d’expérience doivent amener les avocats juniors aux réunions stratégiques pour leur permettre d’observer et d’apprendre comment faire les choses, quelles sont les questions à poser, etc. L’écoute et le bon service au client sont très importants, et cela, il faut le comprendre dès le départ.
Il faut aussi toujours être prêt à faire «les mille extra» et à aller plus loin. Il faut savoir bien ficeler son opinion ou sa procédure et rendre un «produit parfait». Il n’y a simplement pas place à la paresse et au travail ordinaire: il faut miser sur l’excellence.
Enfin : pas de dernière minute! Jamais! Il faut du temps pour déterminer la façon d’approcher une situation et la stratégie à adopter dans un dossier, pour décider quel témoin sera appelé avant l’autre et pourquoi, pour établir s’il est mieux d’avancer un argument d’une certaine façon plutôt que d’une autre, etc. Il faut du temps pour y réfléchir, et il est important de pouvoir prendre du recul et de «décanter». Être à la dernière minute signifie ne pas avoir le temps de le faire.

En vrac…
• Un livre qu’elle nous recommande : « Gaïa » Auteur : Guy Laliberté
• Dernier bon film qu’elle a vu : « Café de Flore » Réalisateur : Jean-Marc Vallée
• Restaurant préféré : Ferreira Café (rue Peel)
• Pays qu’elle a visité et où elle aimerait retourner : L’Espagne ; elle adore Barcelone et aussi un petit village qui se nomme Cabacés, en Catalogne.
• Si elle n’était pas avocate, elle serait… rédactrice au New York Times en matière de finance et d’économie, ou encore marchande de tableaux d’art pour visiter encore plus souvent les galeries!

Bio
Me Julie-Martine Loranger est associée au bureau de Gowlings à Montréal où elle a dirigé le service des litiges de 2000 à 2007. En octobre 2011, Me Loranger a été admise à titre de Fellow du American College of Trial Lawyers (ACTL), prestigieux titre décerné aux meilleurs avocats plaidants du Canada et des États-Unis qui ont maîtrisé l’art du litige et respecté les normes les plus élevées en matière d’éthique, de professionnalisme, de civilité et de collégialité.
Ses champs de pratique et d’expertise couvrent le litige commercial et civil, de même que le litige sur les valeurs mobilières, le congédiement de cadres, les recours collectifs, le droit de la construction, l’assurance et la responsabilité professionnelle, notamment celle des ingénieurs, architectes et divers intervenants des services financiers, ainsi que la responsabilité des administrateurs.
Depuis 2001, Me Loranger siège au Comité de gestion du bureau de Montréal. Le 10 août 2009, Me Loranger a été nommée à titre d’administratrice représentant le consommateur au sein du conseil d’administration de la Chambre de l’assurance de dommages par le ministre des Finances, Raymond Bachand, et ce, pour une période de trois ans. Me Loranger plaide devant des tribunaux de toutes juridictions, dont la Cour suprême du Canada, la Cour d’appel du Québec, la Cour supérieure et divers organismes de réglementation. Me Loranger participe également à des séances de médiation et d’arbitrage.