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Cuisinier, écrivain et associé…chez Fasken!

13 août, 2017

Cette semaine, Me Dominique Tardif, de ZSA, s’entretient avec Me Peter Kirby, un super cook, un romancier à succès et, “accessoirement” associé chez Fasken Martineau!
1. Pourquoi avez-vous, à l’origine, décidé d’être avocat plutôt que de choisir un autre métier ou une autre profession?
C’est une longue histoire! dit-il dans un rire. J’ai grandi en Angleterre : en sortant de l’école, je ne pouvais tout simplement pas espérer être accepté à l’université tellement mes résultats académiques laissaient à désirer. Après avoir déménagé à New York, j’ai commencé à y travailler comme cuisinier. Je me suis ensuite installé à Toronto, puis à Montréal, une ville que j’ai aimée et où j’ai décidé de m’établir.
Tout en travaillant à temps plein comme cuisinier, j’ai entrepris des cours du soir dans le cadre d’un programme étudiant pour adultes en économie à Concordia. J’étais le premier de ma famille à aller à l’université. Il semble que, somme toute, je n’étais pas aussi mauvais qu’on me l’avait dit: j’ai terminé le programme avec une mention honorifique! Ne considérant pas que j’avais suffisamment de facilité en mathématiques pour être économiste, j’ai opté pour le droit, que j’ai complété à McGill, avec en tête de faire à terme du droit de commerce international et de la concurrence, des domaines dans lesquels se retrouvent beaucoup de notions d’économie.
Après mon baccalauréat en droit civil, j’ai décidé de parfaire mon français – qui en avait bien besoin ! – en étudiant un an le droit international à Montpellier. J’ai ensuite fait ma common law à McGill, puis suis entrée à l’École du Barreau. Après douze ans dans un cabinet boutique, je me suis joint à Fasken, et me voilà aujourd’hui!
2. Quels sont les plus grands défis professionnels auxquels vous avez fait face au cours de votre carrière?
Sur le plan des dossiers, je pense spontanément au dossier ADF contre les États-Unis d’Amérique, il y a environ quinze ans. Il s’agissait d’un des premiers dossiers de Chapter 11, dans lequel nous avons poursuivi le gouvernement américain, ce qui représentait tout un défi! Plaider à Washington dans un tel contexte était pour le moins intimidant, d’autant plus que nous étions trois, alors qu’eux étaient trente de l’autre côté de la table! Le dossier était par ailleurs très stimulant intellectuellement. Même si nous n’avons pas gagné la cause, je suis d’avis que nous avons très bien fait.
Quant à mon autre défi – d’un tout autre ordre -, il a consisté dans le fait de faire ma place dans le marché juridique québécois, moi, l’irlandais anglophone. Même si je me sens chez moi au Québec, je ne suis pourtant pas d’ici, et personne d’autre de ma famille ne s’y est installé. Je me sens extrêmement bienvenu ici, et les gens avec qui je travaille sont absolument fantastiques avec moi. Mes enfants, eux, ont grandi ici et se sont intégrés. Quant à moi cependant, arrivé ici à l’âge adulte, je ne bénéficiais tout simplement pas, au départ, pas de cette matrice et de ce réseau de contacts que bien d’autres possèdent déjà, du moins en partie, en quittant les bancs d’école.
J’ai, avec le temps, développé une clientèle essentiellement américaine, et donc faite d’étrangers qui font appel à moi lorsque des enjeux québécois et canadiens surviennent.
3. Si vous aviez une baguette magique, que changeriez-vous à la pratique du droit?
Si j’avais une baguette magique, je modifierais la situation qui existe quant à l’accès à la profession. Je trouve impardonnable, conceptuellement, que des étudiants diplômés d’universités de renom aient autant de difficulté à trouver un stage une fois la difficile année de l’École du Barreau complétée. Il m’est difficile d’accepter que des jeunes aient à attendre parfois jusqu’à un an avant de débuter leur stage, et que certains d’entre eux perdent même la possibilité de devenir avocat compte tenu de cette difficulté à trouver un stage. Il nous est nécessaire d’agir à cet égard et de nous assurer que tous ceux qui graduent trouvent un stage – un stage qui soit par ailleurs rémunéré. A défaut de pouvoir offrir une telle garantie, peut-être devrions-nous considérer mettre un terme à l’obligation du stage, comme l’ont d’ailleurs fait la plupart des juridictions américaines.
Dans un autre ordre d’idées, je crois que nous devons faciliter l’accès à la justice pour ce groupe important de citoyens qui n’ont pas accès à l’aide juridique, mais qui n’ont pas pour autant les moyens de défrayer des honoraires d’avocats. Une partie de la solution à ce problème passe possiblement, d’ailleurs, par le fait de garantir que les jeunes avocats soient en mesure de proposer leurs services peu après la fin de leurs cours, à des prix qui soient plus raisonnables que ceux d’avocats plus expérimentés.
4. La perception du public envers la profession et les avocats en général est-elle plus positive, égale ou moins positive qu’elle ne l’était lors de vos débuts en pratique? Et pourquoi, à votre avis?
À mon avis, la situation n’a pas changé de façon significative. Depuis toujours, les avocats pensent que le public a moins confiance en la profession que ça ne devrait être le cas. Malgré tout, je crois que la plupart des gens réalisent à quel point les avocats apportent à la société de façon générale, et cela, même si nous pourrions probablement faire un meilleur travail pour informer et éduquer le public sur ce que nous faisons réellement.
La réalité est qu’il n’y a effectivement, et probablement, pas suffisamment de choses positives dites à propos de notre profession, sans compter le fait que les médias et émissions de télévision ne brossent généralement pas un portrait toujours exact et positif de celle-ci. Tout demeure donc une question de point de vue : les gens anticipent souvent de mauvaises nouvelles au sujet des avocats, mais ils sont à la fois également prêts à accepter que nous pouvons faire de bonnes choses et que nous comptons de belles réalisations à notre actif.
5. Quel conseil donneriez-vous à quelqu’un qui, comme vous, veut mener deux carrières de front (à savoir, dans votre cas, celle d’auteur et d’avocat)?
Nous perdons tous beaucoup de temps !! Il s’agit simplement d’en prendre conscience. Si l’on additionne le temps que l’on perd à ne rien faire ou le temps qu’on pourrait passer à faire quelque chose qui nous est plus agréable, on se rendrait compte que, plutôt que le contraire, nous ne manquons pas de temps!
Tout le monde a besoin d’un passe-temps et, le mien, c’est l’écriture : j’écris la fin de semaine, tôt le matin ou parfois jusque tard le soir. Mon objectif est d’écrire 500 mots par jour. Je ne regarde, en contrepartie, que très peu la télévision. Ainsi, il me reste aussi du temps pour aller à la pêche… et n’allez pas penser pas que je travaille à temps partiel chez Fasken!
En résumé, mon conseil est : faites ce que vous voulez faire et vous trouverez le temps. Make time.
Si vous faites ce que vous aimez, l’argent suivra. Je crois qu’il faut se préoccuper davantage de faire ce que l’on aime que de l’argent que l’on fera.
Certaines habiletés peuvent être développées pour devenir plus efficace, pour faire les choses correctement la première fois, pour perdre le moins de temps possible et pour, ainsi, faire plus dans un même laps de temps. Inscrivez les choses à faire à votre agenda plutôt que de les laisser sur votre to-do list. Demandez-vous comment vous pouvez rendre votre vie plus agréable. Réduisez ainsi le stress et éliminez les choses qui vous font perdre du temps et que vous n’appréciez pas vraiment.
· Un bon livre qu’il a lu – Motherless Brooklyn (auteur : Jonathan Lethem).
· Une chanson qui lui donne de l’énergie, même dans les mauvaises journées : Chumbbawamba (Artiste : Tubthumping) « I get knocked down, but I get up again, you’re never going to keep me down… »
· Son dicton préféré : Demain est un autre jour (Tomorrow is another day)
· Il nous avoue…parfois verser quelques larmes en écoutant des comédies romantiques!
· Son restaurant préféré – Les Pyrénées (rue Saint-Paul O).
· Il retournerait volontiers… au Japon.
· Il admire…Nelson Mandela, pour son choix en faveur de la non-violence, pour avoir su gérer la transition qu’a subi le pays en la faisant sentir comme presque naturelle, et pour avoir évité que des gens ayant vécu l’apartheid ne se soulèvent en cherchant vengeance. Quel accomplissement.
· S’il n’était pas avocat, il rêverait d’être… le « directeur du bien-être » d’un grand cabinet d’avocats!! Mais qu’est-ce que c’est que ça ? Il s’agirait d’une personne qui ferait en sorte que les gens sachent quoi faire pour se sentir mieux. Il les aiderait à gérer le stress, la famille, les exigences de l’entreprise, la pratique du droit au 21e siècle, etc. À son avis, plus de temps pourrait être passé, dans un monde idéal, à aider les avocats à tirer le maximum de leur carrière mais aussi de leur vie.

Me Peter Kirby est associé au bureau de Montréal de Fasken.
Sa pratique porte sur l’éventail des questions se rapportant au commerce transfrontalier des produits et services, y compris les questions liées à la réglementation et au commerce, les accords commerciaux, les recours commerciaux tels que les mesures antidumping et les droits compensateurs, l’arbitrage commercial international, l’arbitrage investisseur-État, le droit douanier, les contrôles à l’importation et à l’exportation, les sanctions économiques et les mesures contre la corruption. The Best Lawyers in Canada 2017 l’a nommé « Avocat de l’année » en commerce international et droit des finances. Me Kirby est membre du Barreau du Québec depuis 1986.
Me Kirby est également un romancier accompli et l’auteur d’une série de romans policiers populaires, où l’intrigue se passe à Montréal et dont le personnage principal se nomme Luc Vanier. Son dernier roman, Open Season, a remporté le prix Arthur Ellis Best Novel Award pour l’année 2016.