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Faisons parler les leaders: Jean-François Gagnon

27 mai, 2016

Cette semaine, Me Dominique Tardif, de ZSA, s’entretient avec Me Jean-François Gagnon, associé-directeur du cabinet Langlois avocats.

1. Pourquoi avez-vous, à l’origine, décidé d’être avocat plutôt que de choisir un autre métier ou une autre profession? Était-ce une histoire de famille, un hasard ou le fruit de longues réflexions?

Il s’agit plutôt, dans mon cas, d’une coïncidence. Je ne comptais pas d’avocat dans la famille et voulais, en fait, être professeur de littérature!

J’ai entamé un baccalauréat en littérature française, jusqu’à ce que la réalité me rattrape: qu’allais-je faire avec un tel baccalauréat? Je venais d’un environnement où il était nécessaire pour moi de gagner ma vie et je n’envisageais pas faire des études de doctorat. J’ai donc, après deux ans, décidé d’interrompre mes études en littérature et, après avoir appliqué en droit et en journalisme (deux disciplines qui me permettaient de donner suite à mon amour du français et des lettres), ai opté pour le droit.

Après cela, les choses se sont rapidement – et facilement – enchaînées. J’ai été engagé par Flynn Rivard après ma première année d’études, et le chemin s’est ouvert pour moi par la suite.

2. Quel est le plus grand défi professionnel auquel vous avez fait face au cours de votre carrière?

Mon plus grand défi, à ce jour, a été un défi de gestion. Je suis, en effet, devenu associé-directeur de Langlois peu après la fusion de Langlois Kronström Desjardins, il y a environ 10 ans.

N’étant pas formé en gestion, j’avais le mandat de réussir l’intégration et de dégager une vision de ce que deviendrait le bureau. C’était un travail fascinant…et à long terme. Une fois l’objectif identifié, il fallait ensuite trouver la façon d’y parvenir et de devenir ce cabinet que nous voulions être.

Cet exercice a par ailleurs vraiment modifié ma façon de pratiquer le droit, en m’apportant des compétences en gouvernance. J’ai pu transposer à ma pratique certains concepts que je vivais chez nous, comme le courage managérial et la capacité d’appliquer les décisions, en développant une vision plus large du litige qu’une approche strictement opérationnelle. Les choses ne se présentaient soudainement plus dans le même axe : il s’agissait désormais de se demander comment, au-delà du litige, le client voulait que les choses ‘atterrissent’. De la même façon, j’ai pu ‘importer’ au cabinet certaines choses vues dans des dossiers. Ce fut un apprentissage et un exercice très intéressant pour moi.

Mes fonctions de gestion ont aussi représenté un défi parce que le poste d’associé-directeur implique nécessairement une responsabilisation. Quand tu diriges, c’est toi que tu mets de l’avant, avec tes forces et tes faiblesses. N’étant pas un administrateur diplômé, la gouvernance du cabinet était au départ forcément assez intuitive et une question de jugement. Et ce faisant, parfois les choses fonctionnent bien et, parfois, moins bien. Il faut donc avoir l’humilité de reconnaître qu’on peut parfois se tromper!

3. Si vous aviez une baguette magique, que changeriez-vous à la pratique du droit? 

Je pense que les avocats devraient ramener les choses à leur sens fondamental. Pourquoi, en effet, voulons-nous être avocats? Parce que nous voulons rendre des services. Le rapport de l’avocat est avant tout centré non vers lui-même, mais vers l’autre, et il ne faut pas l’oublier.

Je suis d’avis que les avocats, malheureusement, ont le défaut de faire les choses beaucoup pour eux et que le système aurait avantage à changer pour se transformer en une véritable confrérie. Nous fonctionnons, en effet, dans un environnement fondé sur la productivité, la facturation et la clientèle, et selon lequel la performance de chacun est essentiellement évaluée sur ces bases.

Si tout cela pouvait, comme par magie, être transformé et mesuré sur la base des services qui sont rendus, et sur le fait que les avocats sont de bonnes personnes pour rendre ces services, bien des choses seraient susceptibles de changer, et pour le mieux!

4- Qu’avez-vous à dire de la perception du public envers la profession et les avocats en général? Et pourquoi en est-il ainsi, à votre avis? 

Je crois que la perception varie selon l’environnement. Dans mon quotidien, ce que je perçois est toujours très positif. Je peux, cela dit, comprendre que des gens associent les avocats à la facturation et que ceux, par exemple, dont le revenu est modeste et qui doivent payer 10 000$ après impôt pour un vice caché ou un divorce ne se font pas nécessairement une image positive de la profession.

L’accès à la justice et le coût des avocats, couplé à un résultat toujours incertain comme il est impossible de savoir de quelle façon le décideur tranchera, peut effectivement faire percevoir le système comme défaillant.

5. Quel conseil donneriez-vous à quelqu’un débutant sa carrière, voulant pratiquer en cabinet et aspirant devenir associé-directeur? 

Tout repose à mon avis sur la question du leadership, qui ne s’impose pas et qui doit être reconnu.

Outre cela, je crois que la première qualité, pour ce type de fonctions, est d’être aimant. À quelqu’un qui voudrait avoir les mêmes fonctions que les miennes, je demanderais : as-tu une capacité d’aimer assez grande pour écouter, pour te remettre en question et pour être certain que tu es équitable envers tous? Ce travail vient, en effet, avec beaucoup de responsabilités d’équité et avec une obligation de rendre les gens heureux à l’interne. Cela implique par ailleurs de savoir faire preuve d’humilité et d’être capable de voir dans chacun de ses associés ou employés un profil qui fasse en sorte que chaque personne est unique.

Le leader doit aussi avoir réalisé lui-même ce qu’il demande aux autres d’atteindre. Quelqu’un n’ayant pas de réalisations peut difficilement devenir associé-directeur. Il est difficile de demander, par exemple, aux autres de changer leur méthode de développement des affaires si on n’a pas soi-même développé une clientèle : c’est une question de crédibilité, tout simplement.

Enfin, je crois qu’il est positif de toujours dire la vérité, bonne ou mauvaise. Parfois, c’est fantastique et, parfois, c’est dur. Cela implique par exemple de devoir dire à quelqu’un que son leadership n’est pas aussi important qu’il ne le perçoit au motif qu’il est trop centré sur lui-même et qu’il manque de générosité. Je crois cependant que, lorsqu’on est sincère, les choses fonctionnent bien. À la limite, on peut même se tromper dans notre évaluation et, dans un tel cas, il s’agit de l’admettre. Ultimement, la franchise, la sincérité et la transparence facilitent la vie de tout le monde et permettent d’avoir confiance dans le système.

•  Il est fou de… Balzac, qu’il relit de temps à autre.

•  Le dernier bon film qu’il a vu : Le Pont des Espions (réalisateur : Steven Spielberg)

•  Il fredonne souvent…des chansons des années 70!

•  Son expression préférée – ‘Go!’. Étant gestionnaire du cabinet en ayant une pratique à plein temps, il préconise le mode ‘on décide et on applique’!

•  Il adore… la course à pied!

•  Son restaurant préféré – Le Métropolitain Eddie Sushi Bar (Avenue Cartier, Québec) et Chez Truchon (Rue Richelieu, La Malbaie).

•  Il aimerait visiter… la Russie.

•  Le personnage historique qu’il admire le plus est: Victor Hugo : il n’était pas un grand politique, mis certainement quelqu’un de terriblement doué et d’extrêmement vivant. Il admire aussi beaucoup Nelson Mandela pour sa résilience.

•  S’il n’était pas avocat, ne cherchez pas plus loin : il serait professeur de littérature!

Me Jean-François Gagnon est associé-directeur du cabinet Langlois avocats. À ce titre, il est notamment responsable des opérations quotidiennes du cabinet, de son positionnement stratégique et de l’application du plan d’affaires. Il est membre du Barreau du Québec depuis 1987.

Il consacre une part importante de sa pratique au litige civil et commercial. Il met à profit sa solide expérience en matière de litiges complexes dans des affaires impliquant le droit de la construction, la responsabilité civile et le droit des assurances. Il a été impliqué dans de nombreux recours complexes, notamment en matière de recours collectifs.

Dans le domaine du droit des assurances, il a développé une expertise particulière dans la rédaction et l’interprétation de contrats couvrant la responsabilité civile et générale, la responsabilité des professionnels et celle des administrateurs et dirigeants. De plus, il assiste ses clients en offrant un service de traduction de polices d’assurance et d’avenants.

Me Gagnon est également impliqué dans la défense de nombreux professionnels. Ainsi, au cours des dernières années, il a agi dans des dossiers impliquant la responsabilité professionnelle d’administrateurs d’établissements financiers, d’avocats, d’architectes, d’ingénieurs, d’officiers municipaux, de comptables agréés, de planificateurs financiers, de syndics de faillite et de courtiers. Il agit régulièrement en matière disciplinaire pour des questions relevant du droit professionnel, de l’éthique et de la déontologie.

Il est l’auteur de nombreux articles, communications, publications et formations liés au domaine de l’assurance, du droit de la construction et de la responsabilité civile et professionnelle et en matière de gouvernance. Il prononce régulièrement des conférences pour le compte de diverses associations et regroupements. Il est reconnu pour l’originalité et le caractère novateur des solutions qu’il propose à ses clients.