Cette semaine, Me Dominique Tardif de ZSA s’entretient avec Me Philippe Johnson, qui devient dès jeudi associé directeur du bureau de Montréal du cabinet Davies Ward Phillips & Vineberg.
1. Pourquoi avez-vous, à l’origine, décidé d’être avocat plutôt que de choisir un autre métier ou une autre profession?
Je me dirigeais à l’origine vers le monde des affaires. Aimant la finance, j’ai fait ma formation à McGill en commerce. Lorsque j’ai eu l’opportunité de travailler pour la HSBC à Vancouver, à une époque où le marché montréalais n’était pas en ébullition et où la « gestion à la japonaise » était très à la mode, j’ai accepté, d’autant plus que la perspective de travailler pour une compagnie ayant des racines en Asie m’intéressait. J’ai ensuite séjourné quatre mois à Hong-Kong dans le cadre d’un executive training program avec la HSBC, puis j’ai accepté un poste à Montréal avec la banque.
Ayant terminé mes études à 20 ans, je savais que je n’en avais probablement pas terminé. Je m’attendais donc à faire des études supérieures et, à 23 ans, j’ai décidé qu’il était temps! Comptant plusieurs avocats dans la famille, j’ai opté pour le droit. Je n’avais alors pas l’intention de pratiquer, et je voyais plutôt mes études comme une formation additionnelle.
Dès ma première semaine, cependant, j’ai adoré! J’ai passé mes trois années de baccalauréat à faire de tout sauf du droit des affaires : je m’intéressais à toutes sortes de choses. Ayant commencé à travailler chez Davies comme étudiant en droit, j’ai ensuite été clerc à la Cour suprême du Canada pour le Juge Gonthier. De retour chez Davies, j’ai réalisé que le côté juridique des transactions m’intéressait beaucoup et, finalement, j’en ai fait une carrière!
2. Quel est le plus grand défi professionnel auquel vous avez fait face au cours de votre carrière?
Je ne saurais mettre le doigt sur un moment charnière, une transaction ou un défi en particulier. Ma carrière a, jusqu’ici, été une succession de défis.
Le premier de ces défis est survenu lorsque, du haut de mes 23 ans, j’ai pris la décision de quitter ce que je pensais être une carrière en plein essor à la banque pour retourner aux études, en me demandant ce que je pourrais bien faire s’il m’arrivait de détester le droit. Je sais aujourd’hui que c’était le bon moment pour le faire, n’ayant que peu de responsabilités à l’époque, mais la décision fut malgré tout difficile sur le moment.
Ensuite, et environ à tous les 18 mois au cours de ma carrière, j’ai eu la chance de toujours frapper des enjeux ou des transactions qui me donnaient l’impression de constituer mon plus grand défi jusque-là. Chaque fois, cela me forçait à apprendre de nouveaux sujets ou à développer de nouveaux outils. Une fois ces défis et dossiers franchis ou terminés, je réalisais que j’avais franchi un échelon ou, en quelque sorte, « monté une marche ».
Cela dit, c’est probablement aujourd’hui que je vis mon plus grand défi, en devant passer, avec mes nouvelles fonctions d’associé directeur, d’un avocat qui pratique à un « avocat gestionnaire ». Ce sont de grosses responsabilités, d’autant plus que le cabinet compte environ 215 personnes. Comme avocat, nous avons l’habitude de nous définir par des objectifs à court terme, qu’il s’agisse d’un nouveau mandat, de la séance de clôture de la semaine ou d’autre chose. Comme gestionnaire, le succès ne se mesure pas, justement, nécessairement à la semaine. C’est, en effet, probablement plus dans cinq ans que je saurai dire si j’ai ou non réussi à accomplir ce que j’avais en tête!
3. Si vous aviez une baguette magique, que changeriez-vous à la pratique du droit?
Évidemment, l’accès à la justice est un enjeu important, voire fondamental, sur lequel il faut se pencher et mettre beaucoup d’efforts.
Outre celui-là, j’ajouterais que, si j’avais une baguette magique, c’est l’enjeu relatif à la rétention des femmes dans la profession – plus particulièrement en pratique privée – que je solutionnerais. La majorité des sociétaires, à notre bureau comme ailleurs, sont aujourd’hui des femmes. Elles représentent notre relève. Il est donc nécessaire pour nous de trouver des façons, lorsque celles-ci arrivent à l’âge de fonder des familles, de vivre pleinement cette formidable étape de leur vie, en leur permettant de quitter pour leur congé de maternité tout en sachant qu’elle pourront réintégrer pleinement la pratique au retour et trouver l’équilibre travail-famille qui est nécessaire pendant cette période.
4. La perception du public envers la profession et les avocats en général est-elle plus positive, égale ou moins positive qu’elle ne l’était lors de vos débuts en pratique? Et pourquoi, à votre avis?
On pourrait être porté à penser, à première vue, que la perception est négative, mais cette perception d’avocat « coureur d’ambulances » et un peu ratoureux nous vient à mon avis beaucoup plus des États-Unis, où l’environnement est plus litigieux, que d’ici.
Je crois, en effet, que la perception est différente et plus positive au Québec. Le Barreau a d’ailleurs fait un très bon travail pour publiciser et sensibiliser les citoyens à leurs droits et au rôle des avocats. Des événements comme la Commission Charbonneau, quant à eux, contribuent aussi à démystifier la profession auprès du public. Enfin, je crois que le rôle de l’avocat est valorisé dans le cadre du droit transactionnel d’envergure et des litiges complexes, les avocats qui y évoluent étant bien vus et appréciés de leurs clients.
5. Quel conseil donneriez-vous à quelqu’un débutant sa carrière et voulant devenir associé au sein d’un grand cabinet?
Il est important, pour y parvenir, de ne pas se fermer de portes et d’oser sortir de sa zone de confort, même lorsque l’on ne sait pas encore où cela nous mènera.
Plutôt que de prendre tous les cours de droit des affaires possible, il est à mon avis mieux de se doter d’une formation diversifiée. Ce qui importe le plus est de comprendre les bases du fonctionnement de la société. La loi elle-même, qui change par ailleurs constamment, est quelque chose qu’on peut apprendre une fois que le reste y est.
Enfin, il ne faut pas dire non aux opportunités, et il est important de se montrer authentique, sincère et sans prétention. Pour le reste, c’est la qualité du travail qui fait la différence : on se doit d’être un très bon juriste.
- Deux bons livres qu’il a lus récemment : de fiction : The Dead of Winter (auteur : Rennie Airth); de non-fiction : The Undoing Project (auteur : Michael Lewis)
- Il a récemment vu… le film The Founder (réalisateur : John Lee Hancock) avec son fils, qui s’intéresse au monde des affaires. Il est aussi un fan de la série Westworld (créée par Jonathan Nolan et Lisa Joy).
- Sa chanson fétiche : Sultans of Swing (Dire Straits)… qu’il aime particulièrement écouter lorsqu’il conduit dans les montagnes blanches du New-Hampshire!
- Son expression préférée : « Leadership is action, not position » (Donald H. McGannon)
- Son péché mignon : les fromages et le vin rouge!
- Ses restaurants préférés : le Damas (avenue Van Horne, Outremont) et, parce que ça lui rappelle de bons souvenirs d’enfance, le Clam Shack (Kennebunkport, Maine)!
- Un pays qu’il aimerait visiter : l’Argentine
- Le personnage historique qui l’inspire? Harry S. Truman, 33e président des États-Unis, pour son courage, son intégrité, son sens du devoir et son humilité.
- S’il n’avait pas été avocat, il serait peut-être… photographe pour le National Geographic!
En tant qu’avocat, il conseille des sociétés canadiennes, américaines et étrangères de premier plan relativement à leurs transactions et investissements au Canada. Me Johnson a axé sa pratique sur des dossiers impliquant des opérations transfrontalières et internationales dans les domaines des fusions et acquisitions et des placements privés.
Il a reçu plusieurs distinctions notamment dans The Canadian Legal Lexpert Directory dans les domaines du Droit des entreprises à moyenne capitalisation et du Droit des sociétés et droit commercial. De plus, il fut ciblé comme avocat à surveiller dans le domaine du droit des sociétés de Lexpert Guide to the Leading US/Canada Cross-Border Corporate Lawyers in Canada.
Très impliqué dans la communauté d’affaires, Me Johnson est administrateur et fiduciaire de la Fondation Montréal inc., organisme à but non lucratif qui finance et soutient le démarrage d’entreprises à Montréal. Il siège aussi au conseil d’administration de la Fondation Serge Marcil, qui a pour mission d’améliorer le bien-être d’enfants en Haïti et en Afrique.