Pour sa toute dernière chronique, Dominique Tardif s’entretient avec Me Christopher Sweeney, cofondateur et chef de la direction de ZSA Recrutement juridique…
Parce que toute bonne chose a une fin, voilà – et je le dis avec un peu d’émotion – ma toute dernière chronique de la série Faisons parler les leaders. Dix années de chronique, et près de 250 articles au total. Je me suis vraiment bien amusée à jouer les apprenties journalistes et, surtout, à rencontrer des personnalités juridiques au parcours tellement inspirant, qui ont accepté de se livrer avec beaucoup de générosité. Je les en remercie tous. Et pour terminer, quoi de mieux que d’interviewer le fondateur de ZSA et celui qui célèbre ses 25 ans en recrutement! Bonne lecture et… à bientôt, parce que j’en ai encore à vous raconter. Sous un autre format et un nouvel angle, en espérant que vous aimerez ma nouvelle chronique!
– Dominique Tardif
1. Pourquoi avez-vous, à l’origine, décidé d’être avocat plutôt que de choisir un autre métier ou encore une autre profession?
J’ai rapidement pris conscience du fait que… je n’étais ni très fort en sciences ni en mathématiques, et que je l’étais beaucoup plus en sciences humaines! Même si j’aurais bien aimé me consacrer à ma passion pour l’histoire, ma décision a été, disons, plus pragmatique : le droit me semblait être une discipline qui allait me permettre de miser sur mes forces et de bien gagner ma vie.
Or, dès le début de mes études de droit, et même si je considérais comme un privilège d’éventuellement pouvoir non seulement défendre mes droits mais aussi ceux d’autrui, j’ai constaté que la pratique n’était probablement pas pour moi. Étant plus du style « macro » qu’une personne de détails, je me voyais devenir homme d’affaires, et le destin a finalement plutôt bien fait les choses!
2. Quel est le plus grand défi professionnel auquel vous avez fait face au cours de votre carrière?
Mon plus grand défi professionnel, je l’ai vécu lorsque j’ai fondé ce qui est aujourd’hui le plus important cabinet de recrutement juridique au Canada : ZSA.
J’étais, à l’époque et depuis quelques années, recruteur juridique à Londres et j’entendais beaucoup de canadiens expatriés me dire qu’ils auraient aimé avoir accès au même genre de services au Canada. Or, ça n’existait pas!
Je suis donc venu au Canada pour élaborer un plan d’affaires. Je me rappelle avoir rencontré 19 cabinets d’avocats à Toronto et Vancouver lors de cette ‘tournée’, et qu’un seul d’entre eux m’ait confirmé qu’il ferait appel aux services d’un recruteur si je me lançais. Les autres, eux, étaient d’avis que le marché était trop petit et qu’une tierce partie n’était certainement pas nécessaire.
De retour de mon périple, j’ai beaucoup réfléchi, me demandant si le service n’existait pas parce que cela n’avait pas été fait de la bonne façon ou encore parce que ça ne répondait tout simplement pas à un besoin.
J’ai… choisi la première option et investi toutes mes économies dans la création de ZSA en 1997, avec espoir que l’entreprise saurait prendre son envol. J’ai quitté Londres et me suis installé, moi qui venait de Montréal, à Toronto pour y ouvrir notre premier bureau, travaillant sept jours sur sept. Question d’économiser des sous pendant que je vendais mon condo en Angleterre, j’ai aussi emménagé chez ma tante et me suis retrouvé, début trentaine, dans l’ancienne chambre de mon cousin, encore décorée comme lorsqu’il avait 15 ans!
Vingt-deux ans plus tard, je suis très heureux de ce beau risque que j’ai pris à l’époque!
3. Si vous aviez une baguette magique, que changeriez-vous à la pratique du droit?
Si j’avais une baguette magique, je ferais en sorte que les cabinets d’avocats soient gérés davantage comme des ‘business’ – ou à tout le moins plus qu’ils ne le sont actuellement.
Je dois dire que je trouve que l’idée du partenariat (« partnership »), où l’on compte souvent jusqu’à 50% de praticiens qui sont propriétaires du cabinet, ne ressemble pas vraiment à une entreprise. C’est un modèle économique certainement inhabituel et qui influe forcément sur la prise de décision – et sur la vitesse du processus décisionnel.
Ce modèle fait aussi en sorte, à mon avis, que d’excellents ‘talents’ sont expulsés, non dans le meilleur intérêt de l’entreprise ni des clients desservis : des salariés talentueux qui n’accèdent pas au statut d’associé doivent dans bien des cas quitter, alors que des associés encore très productifs sont, dans bien des cas encore aujourd’hui, forcés de quitter le partnership quand ils atteignent un âge prédéterminé à l’avance par la convention d’associés.
Si j’avais une baguette magique, je ferais donc en sorte d’éviter tout ‘gaspillage’ des ressources et de les utiliser plus efficacement.
4. La perception du public envers la profession et les avocats en général est-elle plus positive, égale ou moins positive qu’elle ne l’était lors de vos débuts en pratique? Et pourquoi, à votre avis?
Je n’ai pas vu, au fil du temps, beaucoup de changement dans l’opinion qu’a en général la population envers les avocats. Une certaine perception négative existe depuis toujours et continuera à mon avis d’exister. Même Shakespeare disait dans une de ces pièces (Henry VI) : The first thing we do, let’s kill all the lawyers! Cette perception est un peu, à mon avis, une conséquence naturelle du fait que les avocats soient dans une position très privilégiée, à savoir celle d’aider des gens qui comprennent parfois moins bien que nous les problèmes juridiques auxquels ils sont confrontés et qui ont pourtant à assumer les coûts liés à leur résolution.
5. Quel conseil donneriez-vous à quelqu’un qui voudrait gravir les échelons du milieu juridique aujourd’hui et y faire sa place malgré la forte compétition?
Je recommande à ceux qui débutent leur carrière de garder l’esprit ouvert quant à quel type d’avocat ils deviendront, et quant au secteur dans lequel ils pratiqueront. Même s’il est une bonne chose que de développer une expertise après un certain temps, je crois qu’il faut éviter de trop se confiner, en début de pratique, à une pratique très – trop – spécialisée qui pourrait à terme limiter la progression professionnelle.
Je crois aussi que l’expérience en cabinet d’avocats permet d’avoir accès à une très grande variété de mandats, à une intensité de travail et à beaucoup d’apprentissages : il s’agit d’une excellente école, que vous choisissiez ensuite d’évoluer dans un autre contexte ou non.
Sachez aussi trouver un mentor et des gens qui assureront une formation de qualité : cela fait une différence!
Rappelez-vous que les options sont nombreuses aujourd’hui. Il n’en demeure pas moins que, généralement, il est encore aujourd’hui plus facile de passer d’un grand cabinet vers un plus petit que l’inverse, et ce, même quand on a eu de bons résultats académiques.
On oublie aussi trop souvent les régions. Si le fait de travailler dans une grande ville vous importe peu, alors pensez-y : des besoins criants existent à certains endroits, et vous pourriez bien vous retrouver avec un afflux constant de dossiers pour des années à venir auprès d’une clientèle captive qui a besoin de votre aide.
Pour le reste, travaillez fort!
- Il… feuillette bien des livres, sans toujours les terminer, lit 3 journaux par jour et aime écouter des livres audio (sur l’histoire le plus souvent!) dans la voiture.
- Le dernier bon film qu’il a vu : Free Solo (réalisateurs : Jimmy Chin, Elizabeth Chai Vasarhelyi)
- Sa chanson fétiche : Everything Now (groupe : Arcade Fire)
- Sa citation préférée? : Every journey begins with the first step.
- Son petit plaisir coupable (chuut… ne le dites pas!)… une chanson de Céline Dion, jouée fort de préférence!
- Son restaurant préféré : Susur (rue King Ouest, à Toronto)
- Il aimerait visiter : St-Pétersbourg et l’Antarctique
- Le personnage historique qu’il admire le plus et pourquoi : Franklin Delano Roosevelt, qu’il trouve inspirant. Il est le seul président des États-Unis à avoir été élu… quatre fois (!), et a porté les États-Unis à bout de bras pendant la Grande dépression aussi bien que la 2e Guerre mondiale. Il a su offrir beaucoup de réconfort aux Américains en temps de crise, et tout cela alors qu’il avait lui-même à composer avec des séquelles et une paralysie du fait de la polio.
- S’il n’était pas avocat, recruteur & homme d’affaires, il serait… historien à temps plein… ou politicien!
Admis au Barreau de la Colombie-Britannique en 1990, Christopher a pratiqué le droit immobilier à Vancouver avant de travailler à Londres, en Angleterre. Il y obtient une maîtrise en droit des affaires de la London School of Economics (LES) de même qu’une maîtrise en histoire de l’Université de Londres. Christopher a pratiqué le droit immobilier à Londres avant de devenir recruteur auprès de Quarry Dougall, alors la plus grande firme de recrutement juridique du pays.
En 1997, Christopher quitte Londres pour fonder ZSA (Zarak, Sweeney & Associés) Recrutement Juridique, maintenant la plus grande firme de recrutement juridique au Canada et la seule d’envergure nationale. Christopher concentre son travail sur le recrutement d’avocats seniors et coordonne l’ensemble des opérations de la compagnie sur le plan national et international. Il a écrit de nombreux articles et accordé beaucoup d’entrevues sur le sujet.
En 2002, il a conceptualisé et produit un docudrame télévisé reproduisant le procès de Louis Riel, avec notamment pour acteurs Eddie Greenspan, Alan Lenczner, Thomas Berger et Guy Bertrand.
Avec la Fondation Vimy, il a initié la construction du centre d’éducation Vimy en France, pour commémorer le 100e Anniversaire de la Bataille de la crête de Vimy, un événement marquant l’histoire du Canada.
Christopher a fondé les prix Canadian General Counsel Awards (CGCA), les prix des Conseillers juridiques du Québec (PCJQ) et les prix Western Canada General Counsel Awards (WCGCA) afin de souligner la contribution des conseillers juridiques de haut niveau œuvrant en entreprise.
En 2010, il a reçu la Mention élogieuse du ministre des Anciens combattants et, en 2012, la Médaille du jubilé de diamant de la Reine pour ses efforts de sensibilisation aux réalisations des anciens combattants du Canada. Il siège au conseil d’administration de la Fondation Vimy et de la compagnie de théâtre Shakespeare Globe Company of Canada.
Christopher est père de quatre enfants et est passionné d’histoire.