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Plusieurs avocats n’auraient pas les moyens de s’engager eux-mêmes !

13 août, 2017

Cette semaine, Dominique Tardif, de ZSA, s’entretient avec Me Robert Crépin, Directeur principal, Services Juridiques pour l’Est du Canada chez Cadillac Fairview…

1. Pourquoi avez-vous, à l’origine, décidé d’être avocat plutôt que de choisir un autre métier/profession?

Après avoir d’abord opté pour les sciences pures au Cégep, j’ai bifurqué un trimestre plus tard vers les sciences humaines et sociales. Les cours d’histoire, d’anthropologie et de politique, ainsi que ceux de géopolitique où l’on parlait de traités et de contrats, m’ont interpellé. Du haut de mes dix-sept ans, je me disais alors que j’allais être diplomate, changer le monde et faire du droit international !, dit-il dans un rire.
Au moment de postuler à l’Université, mon cœur balançait entre enseigner la géographie et étudier le droit. Après réflexion, j’ai choisi le droit, même si je n’avais alors pas une idée complète de ce en quoi pouvait consister la pratique, exception faite de celle des cabinets privés. Je savais que « le droit mène à tout » et qu’il s’agissait là d’une « porte d’entrée » pour acquérir des connaissances. Étant très intéressé par l’actualité et impliqué politiquement et socialement dans ma région, la discipline me paraissait aussi en être une qui me donnerait des outils pour servir les gens. Le jour de mon assermentation, je suis devenu avocat en même temps que conseiller municipal!

2. Quel est le plus grand défi professionnel auquel vous avez fait face au cours de votre carrière?

Sur le plan professionnel, mon plus grand défi à ce jour a été de faire le saut en entreprise en 2007. Je pratiquais jusque-là en cabinet et je traitais beaucoup de dossiers de litige. J’avais donc l’habitude d’une vision verticale d’un seul dossier d’une entreprise du début à la fin, et j’intervenais en mode curatif et dans un contexte conflictuel qui impliquait de mettre entre les mains d’un juge la solution recherchée.
Le fait de passer en entreprise m’a amené à opérer un changement de vision complète à ce chapitre. J’adoptais désormais une vision horizontale des choses, et mes efforts et mon énergie étaient mis à profit pour faire partie de la solution plutôt que de la faire reposer entre les mains d’une tierce partie.
Passer du cabinet à l’entreprise était aussi un défi puisque cela impliquait de redévelopper mon réseau de contacts et de me bâtir une crédibilité à l’interne. Il fallait aussi adopter une autre façon de penser : en effet, acquérir des connaissances en droit est une chose, mais acquérir des habiletés de conseiller d’affaires en est une autre. Le changement coïncidait par ailleurs, dans mon cas, avec un changement de pratique du litige vers le droit des affaires.

3. Si vous aviez une baguette magique, que changeriez-vous à la pratique du droit?

Si j’avais une baguette magique, je changerais deux choses:
D’abord, j’améliorerais l’accessibilité à la justice et aux tribunaux. Malgré tous les efforts qui ont été faits et en dépit des améliorations apportées, il reste encore beaucoup de travail à faire. Plusieurs avocats n’auraient pas les moyens de s’engager eux-mêmes s’ils étaient dans le besoin et devaient se défendre en cour: c’est dire à quel point « monsieur et madame tout le monde » n’a pas facilement accès à la justice.
Également, je mettrais un peu moins d’emphase, au baccalauréat, sur la pratique en cabinet, au profit de celle en entreprise, qui gagne à mon avis à être connue! Je crois, en effet, qu’un plus grand travail de sensibilisation pourrait être fait à cet égard, bien que je demeure d’avis qu’avoir connu les deux est un avantage.

4. La perception du public envers la profession et les avocats en général est-elle plus positive, égale ou moins positive qu’elle ne l’était lors de vos débuts en pratique? Et pourquoi, à votre avis?

À mon avis, la perception se maintient certainement, et tend même à s’améliorer. Le Barreau a beaucoup travaillé à changer l’image de la profession, notamment par le biais de campagnes publicitaires. Les médias sociaux, quant à eux, permettent aux gens d’être plus critiques, oui, mais aussi d’être mieux informés au sujet de leurs droits. Des événements comme la Commission Charbonneau, par exemple, permettent eux aussi de démontrer à la population ce que font les avocats. Cela tend à démystifier les choses pour le mieux et nous change en même temps de la perception véhiculée dans les films américains et les téléromans. Le rôle de l’avocat, qui est de conseiller et d’aider les gens à solutionner leurs problèmes, est ainsi mieux compris.

5. Quel conseil donneriez-vous à quelqu’un débutant sa carrière ou, en d’autres mots, comment gravir les échelons en entreprise?

Je crois que le fait d’ajouter à sa formation en droit un cours en gestion / management, question de bien comprendre les problématiques d’affaires, est un atout essentiel additionnel. Le fait de détenir un diplôme de common law est également un plus si l’on compte intervenir en dehors des frontières du Québec.
Ensuite, le fait de toujours garder l’esprit ouvert et de savoir penser « outside the box » importe certainement.
Finalement, il faut aussi beaucoup d’écoute pour bien connaître les besoins des gens. En bref, avant de parler, il faut écouter!

  • Le dernier bon livre qu’il a lu : L’homme qui voyait à travers les visages (auteur : Éric-Emmanuel Schmitt)
  • Le dernier bon film qu’il a vu : Diplomatie (réalisateur : Volker Schlöndorff)
  • Sa chanson fétiche : Knights of Cydonia (Muse)
  • Son dicton préféré : « C’est en forgeant qu’on devient forgeron. »
  • Il nous confesse raffoler… du homard!
  • Son restaurant préféré : Les Cavistes (rue Fleury ouest, Ahuntsic)
  • Un pays qu’il aimerait visiter : La Polynésie française
  • Le personnage historique qu’il admire le plus? Winston Churchill, pour son leadership, sa ténacité, sa détermination et surtout, pour ses discours.
  • S’il n’avait pas été avocat, il serait… probablement enseignant!

Titulaire d’un baccalauréat en droit de l’Université Laval, Me Robert Crépin a débuté sa carrière en 1993 comme avocat en droit des affaires et en litige commercial en cabinet dans la région de Québec et a, au début de sa carrière, également siégé comme conseiller municipal à L’Ange-Gardien (Côte-de-Beaupré).
À la fin des années 1990, il est déménagé à Montréal où il a poursuivi sa carrière en cabinet auprès, entre autres, de Kaufman Laramée, pour se joindre ensuite à First Capital Asset Management ULC en 2007 à titre de conseiller juridique sénior et par la suite à titre de directeur, affaires juridiques pour l’Est du Canada. Il y a alors assumé la direction de l’équipe responsable de la négociation des baux, de la gestion des litiges et des services conseils, notamment en gestion immobilière, perception et recouvrement, faillite et insolvabilité, développement et assurances. Il a également joué un rôle clé dans l’élaboration des processus et politiques internes de First Capital.
En septembre 2016, il se joint à Cadillac Fairview comme directeur, services juridiques pour le portefeuille de l’Est du Canada. Récemment, il a été nommé directeur principal, services juridiques pour l’Est du Canada.